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L’université peut-elle servir de modèle de médiation sociale ?

Dans sa dernière chronique publiée par Mizane.info, Gianguglielmo Lozato s’interroge sur les fonctions médiatrices de l’université, lieu de savoir et de consensus, face aux pouvoirs du politique et du religieux en France. Gianguglielmo Lozato est professeur d’italien auprès de l’ENSG et de l’international Paris School of Business.

La laïcité arrive dans un panorama politique chamboulé.

Le politique et le religieux ne pouvant que très difficilement s’entendre, une troisième voie pourrait s’ouvrir entre les deux.

Cette voie c’est l’enseignement universitaire.

L’Enseignement dessine une route longue balisée par l’apprentissage, des départementales de l’école maternelle aux autoroutes de l’Enseignement Supérieur.

Il s’agit là d’un point fort reconnu de la France, dont certaines formations sont très enviées à l’image des CPGE.

La mort tragique de Samuel Paty a souligné en ce sens un dysfonctionnement sociétal majeur. Néanmoins un espoir, matérialisé par l’usage judicieux de l’instruction, subsiste.

Confronter des enseignants du second degré à des collégiens ou à des lycéens sur des sujets aussi difficiles et polémiques que les caricatures incriminées est un non-sens.

Effectivement, exposer ceci à des préadolescents et adolescents relève d’une immense responsabilité pour les enseignants du niveau pré-bac qui se retrouvent démunis car pas assez armés au niveau des idées et des compétences par rapport à leurs homologues du post-bac.

De plus, les séquences de cours en collège et en lycée ont plus tendance à la simplification qu’en faculté, en école de commerce ou en BTS.

C’est pourquoi le Monde de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche est investi d’une mission salvatrice.

Il pourra servir de parade dans une situation abracadabrantesque de par les travaux de recherche et de par son positionnement entre l’étatique et l’univers de la réflexion.

Un écosystème libéral de la pensée

En France, le système universitaire a toujours constitué une table ronde.

Il a représenté à bien des époques le lieu d’une dialectique élaborée et honnête.

Laquelle s’est manifestée sous forme de confrontations politiques (syndicats de droite et de gauche, Mai 68…) ou idéologiques concernant la méthodologie comme au Moyen-Age avec la rivalité entre partisans de la pensée scolastique et ceux de la synthèse thomiste.

Pour paraphraser Jacques Verger auteur de « L’Essor des universités au XIIIe siècle », les universités garantissaient la liberté de réflexion au Moyen-Age, l’instruction, la culture, la formation des esprits et leur ouverture.

Les universités présentent aussi un certain cadre de vie à en juger par la mise en place de politiques de prévention dynamiques en ces temps de pandémie et par les programmes de responsabilisation environnementale (conscience écologique visible avec L’ENSG, L’ENPC et L’UPEMLV sur le site général de l’Université Gustave Eiffel ; des actions vigilance sanitaire avec distribution de masques aux étudiants nécessiteux à Marne-la-Vallée, à Paris III Sorbonne Nouvelle, à Lyon 1).

L’Université de façon générale permet d’apprendre, d’observer, de donner l’occasion de comprendre, et s’il le faut d’obtenir les outils nécessaires à une remise en question.

Les facultés rassemblent des connaissances à tous les niveaux, alliées à des centres de documentation conséquents (la Bibliothèque de la Sorbonne, la BNF, la Maison de la Recherche…), à des organismes dont le rayonnement est international (IRIS, CNRS, INALCO…).

Ainsi, les linguistes pourront insister sur la différenciation entre les mots  » islamisation  » et  » radicalisation  », entre  » islamique  » et  » islamiste  ».

Sociologues et politologues aideront à décrypter, sans se contenter de mettre des gens dans des cases, sans se limiter à la doxa dévouée à Bourdieu, sans se réduire à la seule vision élargie macro-sociétale (Macron-sociétale ?), les comportements ou les discours.

Les scientifiques apporteront très probablement une contribution objective dans le même temps.

Une sorte de Pléiade est en train de sommeiller.

Veillons à ce qu’elle ne tombe pas dans un coma profond.

L’autonomie comme marque de fabrique

Puisque l’Islam se retrouve de nouveau au centre de la polémique et que la vraie laïcité se trouve flagellée par les récupérations opportunistes et populistes, la perception universitaire des choses arrive à point nommé.

Elle se présente comme une opportunité d’éclairage enseignant à comprendre autrui et sa culture par sa découverte.

Alors qu’on ressort de manière désordonnée les expressions  » Siècle des Lumières  » et  » Islam des Lumières  », les facultés ont la capacité d’offrir un terrain neutre entouré de passerelles.

L’obscurantisme n’est pas que religieux. Il peut tout à fait être politique.

C’est pourquoi la réflexion doit précéder l’action.

La pensée doit précéder la clameur de la rue et les vociférations politicardes à visée électoraliste.

C’est pourquoi Emmanuel Macron devrait penser urgemment à la création d’une commission neutre universitaire pour réfléchir sur une politique de conciliation nationale.

Une réorientation de la problématique est à souhaiter, induisant un changement de paradigme.

La Sorbonne qui a accueilli la dépouille de feu le professeur Samuel Paty apparaît comme un point de départ, au milieu du Quartier Latin.

Nul doute qu’une discussion entre Averroès et Jean-Paul Sartre, issus de deux civilisations différentes, à propos de l’essence et l’existence y aurait trouvé sa place sans difficulté.

Ce projet d’échange avec l’entité universitaire pourrait en surprendre quelques-uns.

Cependant il est loin d’être malvenu au vu des décisions prises ces dernières années.

La loi du 10 août 2007 édictée sous le patronage Nicolas Sarkozy/Valérie Pécresse a produit ses effets.

Une initiative qui a permis aux structures relevant du Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation de s’émanciper davantage.

En France, se référer à la célèbre faculté de Paris IV renvoie à la mémoire du théologien Pierre de Sorbon, son fondateur qui a voulu donner les moyens aux étudiants de tous horizons d’accéder à la connaissance.

Pour preuve, la bibliothèque de la faculté en question possédait la collection d’ouvrages la plus complète d’Europe au XIIIe siècle.

Parmi ces volumes, des auteurs de différentes cultures et confessions religieuses.

L’université comme ambassade de la connaissance

Toute université est associée à l’idée de bouillonnement intellectuel s’affranchissant en principe d’une pensée unique.

Elle existe comme une principauté au sein d’un état.

Cette idée d’enclave, un peu à l’image d’une ambassade, demeure renforcée par les temps que nous vivons.

Il semblerait que ce soit un des rares endroits où subsistent des pensées cohérentes et le plus consensuelles possibles en matière de prévention sanitaire et d’observation de la jeunesse.

Avant de se présenter en tant que dispositif, l’Université forme un système.

Une sorte de micro-nation dont un audit ferait le plus grand bien à l’Etat pour plusieurs raisons : d’abord les universités participent à la vie du pays et sont en contact constant avec les jeunes majeurs.

Il s’agit d’une institution qui connaît très bien les rouages de l’Etat Français.

Elle a l’avantage de pouvoir disposer d’un point focal interne ou externe, pour ne pas dire omniscient.

De cette façon, elle représente une intéressante projection rythmée par des allers-retours continus entre le gouvernement et ses interlocuteurs potentiels.

Elle peut ainsi passer de la position d’observatrice à celle d’intervenante sans difficulté.

Tout comme l’appareil gouvernemental de la nation, les autorités universitaires possèdent leurs propres instances.

Elles sont donc en mesure de comprendre les écueils constitutionnels à gérer pour un gouvernement.

Et à l’image d’un pouvoir en place, elles peuvent offrir des possibilités de financement grâce à un budget.

Mais elles ont aussi la particularité de pouvoir proposer des projets de formation, des fondations dans certains cas, voire des quasi fonds souverains.

Finalement, puisque l’innovation et la liberté d’expression constituent le terreau de la recherche, le système universitaire a tout pour proposer un espace de concertation dédié à l’esprit et pour donner un exemple de voie diplomatique à emprunter aux politiciens, en place ou non.

Fédérer, c’est la nouvelle mission que l’on devra lui attribuer prochainement, par rapport aux hésitations générales, entre le temporel et le spirituel.

Notamment quant à la gestion de la liberté d’expression et à la définition originelle de la laïcité.

Enseignement et éducation vont de pair. Recherche et vérité aussi.

Gianguglielmo Lozato

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