Les JO sont-ils un événement politique ? D’après le président de la République, non. Pas si sûr, lui rétorque Amal Nour dans ce billet brillant à lire sur Mizane.info.
“On ne fait pas de politique avec les Jeux” – E. Macron
Le sport, selon l’historien Pierre Milza, est un “fait social total” : “un phénomène (…) traversé par toutes les idéologies du siècle, indicateur de la puissance et du déclin des nations, tantôt révélateur tantôt manipulateur du sentiment public, intégré aux stratégies offensives ou défensives des Etats”.
Cette définition, datant de 1984, je ne la trouve pas en allant chercher des critiques de l’événement international qui commence à prendre forme à Paris. Je ne la trouve pas dans un article qui s’oppose à l’allocution de M. Macron, mardi dernier.
Je la trouve dans un rapport déposé par la Commission des Affaires étrangères “en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 23 novembre 2022 sur la géopolitique du sport”, rapport présenté par MM. Hadrien Ghomi et Hubert Julien-Lafferrière, députés.
Je la trouve alors que M. Macron a déclaré mardi soir qu’“On ne fait pas de politique avec les Jeux”. C’est là ce qui est souhaité, puisque depuis les jeux du cirque romain, si ce n’est depuis plus longtemps, si ce n’est depuis plus loin, on ne fait pas de politique avec le sport… C’est avec le sport qu’on essaye de la cacher. Panem et circenses. Du pain, et des jeux, pour cacher cette politique que la légèreté ne saurait voir. Mais dans une époque comme la nôtre, comment ne referait-elle pas surface?
Faire croire qu’une chose n’est pas politique, c’est comme chercher à en désamorcer la puissance. Ou plutôt, cela permet à ceux qui le disent de conserver le pouvoir politique qu’elle offre.
Nous vivons dans un monde où les grands sportifs sont des visages souriants que la planète entière est amenée à côtoyer. Nous connaissons souvent leurs traits, leur nom, parfois leurs performances. Certains gagnent des millions, sont ambassadeurs de marques. Toute cette gloire leur offre une place de choix, une tribune depuis laquelle ils pourraient franchir les âges et les frontières.
Dans le cadre des Jeux Olympiques, le passage de la flamme olympique, la cérémonie d’ouverture, et la tenue des épreuves constituent une telle tribune. Mais selon la Charte du Comité International Olympique (CIO), “Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique”.
Cela semble être justifié par le deuxième principe fondamental de l’Olympisme qui est “de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine” – une société où les différends ou l’affrontement n’existent que tant que le chronomètre de l’épreuve sportive compte encore les secondes. Une fois l’épreuve finie, les rivalités sont censées s’évaporer, et le Sport être plus fort que tout.
Il y a bien entendu dans ces valeurs quelque chose de louable. Le sport reste un moyen de transcender frontières et différences. Et qui ne souhaiterait pas “promouvoir une société pacifique” ? L’idéal se heurte néanmoins à la réalité. Là où la neutralité politique devait agir comme un garant de cet idéal, elle finit plutôt par l’étouffer. On ne demande plus au sportif de ne pas se servir de sa tribune pour préserver l’harmonie, mais pour ne pas briser cette fragile illusion qu’est le sport transcendant la politique.
Car les Etats sont conscients de la tribune qu’ils offrent aux sportifs en leur donnant la place qu’ils ont dans la société. Or, en particulier dans une compétition internationale telle que les JO, lors de laquelle les individus représentent une nation, il ne faudrait pas que ces individualités glissent entre les doigts du récit national officiel. Il ne faudrait pas faire tache.
Dans notre cas, en France, cela s’étend aux spectateurs. Le collectif Urgence Palestine a partagé plusieurs vidéos, sur son compte Instagram, où la police a pour ordre de faire ranger le drapeau palestinien à tous ceux qui l’agitent aux abords du passage de la flamme.
Alors même que la Palestine dispose d’une délégation officielle qui participe aux Jeux au même titre que tous les autres pays. Alors même que le drapeau israélien, à l’inverse du drapeau russe, peut flotter dans les airs. Sa légèreté est une insulte au poids des larmes et du sang qu’il a fait couler et dont il est gorgé.
Il est dans l’intérêt des puissants de faire croire, de plus en plus, que de nombreuses choses ne sont pas politiques – que la politique est l’affaire de celles et ceux dont c’est le métier. Mais rappelons-leur qu’elle vient du grec politikos, et qu’elle signifie « qui concerne les citoyens, l’État ».
Rappelons-leur que le sport est politique car tout engagement, social ou public, l’est.
Amal Nour
Sources :
Allocution télévisée d’Emmanuel Macron le 23/07/2024 sur France 2 (https://tinyurl.com/4kfh2smz)
Charte Olympique, état en vigueur au 15 octobre 2023 (https://stillmed.olympics.com/media/Document%20Library/OlympicOrg/General/FR-Olympic-Charter.pdf)
Compte Instagram d’Urgence Palestine (https://www.instagram.com/urgencepalestine/?hl=fr)
Rapport d’information sur la géopolitique du sport (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_afetr/l16b1448_rapport-information#)
Dictionnaire de l’Académie Française, entrée “politique” (https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P3187)
2 Responses
Mais là ce n’était pas de la politique mais une promotion à toutes les formes de pédérastie. C’est d’un ridicule à avoir honte d’être français.
Très bon article