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Max Giraud : quelques remarques sur le Nom Allâh 2/2

Max Giraud : l’origine du nom Allah 2/2 Mizane.info

A lire sur Mizane.info, la seconde partie du texte consacré à l’étude de l’origine du Nom sacré Allâh (Dieu). Max Giraud souligne les aspects ésotériques relatifs à chaque lettre constituant ce Nom sacré (Allâh) et les enjeux métaphysiques auxquels ils renvoient.

Nous avons vu que le Nom Allâh peut être conçu comme un nom propre sans étymologie désignant alors l’Essence pure. Considéré comme dérivé, il contient, à travers les trois radicaux relevés plus haut, des allusions à la Majesté de l’Essence, suggérée par le désert (al-mîlâh ; racine W.L.H. ) et ses différents aspects : le soleil (al-ilâhah ; racine ’A.L.H. ), la chaleur du soleil (al-ulâhah : même racine), le mirage (al-lawh ; racine : L.W.H. ), l’eau qui s’en va du côté du désert et s’y perd (al-mûlah ; racine W.L.H. ). La comparaison entre l’aspect réducteur des Noms de Majesté et le désert est fréquente dans toutes les doctrines initiatiques, car l’extinction qu’elles exigent est le passage obligé avant toute “réalisation descendante” ou “mission”, comme l’attestent, par exemple, les passages au désert des Hébreux, de saint Jean-Baptiste, de Jésus, et du Prophète Muhammad25.

Ce sujet est souvent abordé par les grands spirituels26. L’eau qui se perd dans le désert représente bien sûr la vie27, et “Le Vivant” (Al-Hayy), étant le premier Nom de l’Essence dans le processus de Son auto-manifestation, devient le dernier lors de la réintégration dans l’Un-sans-relation (al-Ahad), dont nous avons montré l’équivalence avec l’idée de Non-Être chez René Guénon28. Rappelons qu’à l’idée de vie Ibn ‘Arabî associe parfois, de manière exceptionnelle, l’Intellect premier29, et nous retrouvons ainsi la notion de “perte de l’intellect” signalée plus haut30.

La Sakînah

Le verbe ’AliHa a le sens de “se réfugier chez”. Ar-Râzî, lorsqu’il évoque ce fait, emploie le synonyme SaKaNa ilâ, “se retirer dans un lieu pour s’y reposer”, qui a l’avantage de suggérer un rapprochement avec la doctrine de la Sakînah, la “Grande Paix”, résultant de la Présence immanente d’Allâh31. Il n’a peut-être pas pris ce terme par hasard parmi d’autres synonymes possibles, et, pour justifier son choix, il ajoute : « En effet, les intellects ne se reposent que dans Son Invocation (fî Dhikri-Hi) et les Esprits ne s’élèvent que par Sa Connaissance »32 : tous les termes techniques employés ici renvoient à la doctrine de la Sakînah, d’autant plus que ’Aliha a le sens d’“apporter la protection et la sécurité”, ce qui est une fonction bien connue de la “Présence réelle” d’Allâh. À cela il faut ajouter les idées de “se situer”, “se tenir dans un lieu” (racine ’A.L.H.), qui renvoient aux idées d’“arrêt”, de “repos” (sukûn), et à celle de l’“habitation” de Dieu parmi les hommes par la présence de Sa Maison33.

Le dépassement de l’intellect créé

C’est un sens commun aux racines ’A.L.H . et W.L.H. Il est exprimé de différentes manières : nous venons de voir que pour Ar-Râzî, l’intellect créé34, dont la fonction est de distinguer les choses et de faire apparaître sans cesse les liens entre elles35, “se repose” dans le “Dhikr d’Allâh”, donc dans la Présence divine unifiante, ce qui est une manière de dire qu’il perd sa raison d’être en tant que tel, et qu’il “s’éteint” selon ses modalités conditionnées – ou est transformé36 – dans l’Unité de la Divinité37.

Ce dépassement peut être conçu sous un autre rapport : l’intellect créé mis en “présence” de la Divinité est pris par la “stupéfaction” (al-walâh, de la racine W.L.H.) qui est expliquée comme la perte de la raison ou de l’intellect (dhahâb al-‘aql), à cause de l’ahurissement (tahayyur) qui s’ensuit38.

Puissance créatrice et Puissance d’illusion

Les racines que nous avons retenues plus haut contiennent un certain nombre de sens en rapport avec les notions hindoues de Shakti et de Mâyâ, la première désignant la Puissance de manifestation du Principe, et la seconde, son “Art”, origine de l’illusion39. Le verbe lâha, qui provient de L.W.H., signifie “ briller”40, et s’applique plus particulièrement au mirage du désert. Mais il contient aussi l’idée de “créer”, et le substantif correspondant al-lâha est un synonyme d’al hayyah, le serpent41. L’ensemble symbolique peut s’interpréter ainsi : si, comme nous l’avons dit dans un paragraphe précédent, le désert représente la Majesté et l’inaccessibilité de l’Essence, le mirage brillant, quant à lui, exprime l’effet d’illusion de la puissance créatrice du Principe ; c’est Mâyâ inhérente à Shakti, et plus particulièrement à kriya-Shakti42.

La doctrine de Mâyâ est encore présente dans une autre racine quasiment identique à la précédente : L.Y.H., rendant, à travers le verbe LâHa, l’idée d’“élévation”, et signifiant aussi “être couvert”, “caché sous un voile”, autres notions que l’on peut aisément rapprocher de celle de Mâyâ43. La plupart des notions abordées ici se trouvent réunies dans un verset que Michel Vâlsan considérait comme étant l’expression de la doctrine de Mâyâ dans le Coran : « Et ceux qui sont voilés, leurs actes sont comme un mirage dans une plaine que l’assoiffé estime être de l’eau, jusqu’à ce qu’il y soit arrivé et l’ait trouvée rien : il trouve Allâh à sa place » (Cor. 24, 39).

Dans ce contexte général, la mention du serpent44 est aussi particulièrement adéquate pour exprimer des aspects de la Shakti, tant sous le rapport macrocosmique que microcosmique ; elle est Kundalinî, “l’Enroulée”, qui “voile” Shiva de ses trois anneaux et demi, Lui, le non-agissant qui, uni avec Elle, produit le monde45. Quand, au contraire, le monde est “résorbé”, Elle est le gigantesque serpent sans fin (ananta) flottant sur l’océan illimité et sur lequel repose Vishnu. Elle représente alors le résultat “arrêté”, ou “enroulé”, des “impressions résiduelles” du cycle passé, qui deviennent les potentialités amenées à se “dérouler” lors du cycle futur46. Dans l’homme, elle est encore Kundalinî, l’énergie endormie à la base de la colonne vertébrale, énergie qui, par son “éveil” méthodique, peut amener l’initié à la Délivrance.

Il faut rappeler ici le rapport qu’établit à ce propos René Guénon entre la Shakti et la Shekinah de la Kabbale47, qui « est la même chose » que la Sakînah islamique48, que certaines traditions arabes représentent sous une forme serpentine et circulaire, en particulier en rapport avec l’établissement de la Ka‘bah qui est fondée sur sa mesure. Le “Jeu” divin Un passage du Livre du Nom de Majesté : “Allâh” d’Ibn ‘Arabî, accompagné des gloses appropriées de Michel Vâlsan, comporte certaines allusions subtiles qui demandent à être relevées et commentées49 : « Les lettres du Nom (considérées selon leur symbolisme des degrés fondamentaux de l’Existence universelle) se réduisent (à trois : lâm, hâ et wâw) ; – le lâm correspond au monde intermédiaire qui est le barzakh, l’“intervalle”, chose purement conceptuelle ou intelligible (ma‘qûl) ; – le hâ correspond au Caché ou Non-manifesté (el-Ghayb) ; – le wâw correspond au Monde visible ou manifesté (‘âlamu-sh-Shahâdah) »50.

Une certaine logique voudrait que ces lettres se présentent dans l’ordre suivant : hâ’, pour le non-manifesté, lâm pour l’intermédiaire et wâw pour le manifesté ; mais il faut bien comprendre ici que si le lâm n’apparaît pas en premier, la distinction entre non manifesté et manifesté n’a pas lieu d’être, car cette lettre, qui a ici fonction d’“isthme”, représente souvent, entre autres, la science distinctive ou la possession (li veut dire : “pour”) et marque ainsi l’origine d’une dualité apparente. Or, lâm, hâ’ et wâw, écrits dans cette disposition, qui est celle donnée par le Shaykh al-Akbar, forment le mot lahw, qui est sémantiquement intéressant. Le verbe lâha qui lui correspond signifie : “jouer”, “s’amuser”, “se divertir”, “jouir”, “trouver du plaisir”, “oublier”, “consoler”. Le substantif lahw exprime, quant à lui, le jeu, la distraction, la jouissance, la consolation, le plaisir. Ce terme est employé dans le Coran dans des contextes dignes d’intérêt qui correspondent assez bien à ce que l’Hindouisme dit de l’homme non délivré, qui est le “jouet” de Mâyâ sous son aspect de “pouvoir d’illusion”.

La “vie”, surtout celle d’ici-bas, est considérée dans plusieurs versets comme occasionnant une “distraction” : « Sachez que la vie de ce bas monde est jeu (la‘ib) et distraction (lahw) » (Cor. 57, 20)51. Elle est la cause d’illusion, même pour ceux qui participent, dans une certaine mesure, à une voie traditionnelle : « Laisse ceux qui ont pris leur religion comme jeu (la‘iban) et distraction (lahwan), et que la vie de ce bas monde a illusionné ! » (Cor. 6, 70). Ce défaut de concentration peut venir du désir attaché à la multiplicité : « Vous a distrait (alhâkum) la rivalité dans la recherche de l’abondance » (Cor. 102, 1), et il s’oppose naturellement au dhikr, à l’invocation : « Ô vous qui avez la foi, que ne vous distraient (lâ tulhikum) pas vos biens et vos enfants de l’invocation d’Allâh ! » (Cor. 63, 9), « Il y a des hommes qu’aucun commerce ou contrat ne distrait (lâ tulhihim) de l’invocation d’Allâh » (Cor. 24, 37) ; ce à quoi fait écho : « Dis : “ce qui est chez Allâh est meilleur que la distraction (al-lahw) et le commerce” » (Cor. 62, 11)52. Le désir de jouissance et l’espoir de réaliser des possibilités non épuisées sont, d’une manière générale, le moteur de l’illusion : « Laisse-les manger et jouir ; l’espoir les distrait (yulhihimu), et (finalement) ils sauront ! » (Cor. 15, 3)53.

Ces quelques exemples montrent que le terme lahw s’inscrit dans un contexte général où sont regroupées les notions de jeu, de multiplicité, de déconcentration due à l’activité “intéressée”. Il synthétise pour l’homme ignorant toute la vanité de son point de vue individuel subjugué par le désir. En même temps, le remède pour sortir de cet état est indiqué, directement ou indirectement : c’est la concentration par le dhikr sur l’Unité d’Allâh54. Mais, ne l’oublions pas, ce mot, dans le texte d’Ibn ‘Arabî, est intégré d’une certaine manière au Nom Allâh55, ce qui signifie que la racine de cette illusion, de ce “jeu”, se trouve non pas dans le Principe suprême Lui-même, mais dans une certaine manière de considérer la puissance créatrice de Sa Fonction de Divinité, désignée, rappelons-le, par un aspect du Nom Allâh56.

En ce sens, les Noms divins, qui forment eux-mêmes le “tissu” de cette fonction relative, “voilent” la Réalité de l’Essence, et sont ensuite voilés par leurs propres effets pour les êtres manifestés, qui eux-mêmes font partie de ces effets. On peut citer à cet égard un passage d’Ibn ‘Arabî expliquant qu’Allâh a donné à l’avance, par Miséricorde, certaines “excuses” au croyant qui, à la question : « Qu’est-ce qui t’a illusionné à propos de ton Seigneur Très-Généreux ? » (Cor. 82, 6) pourra répondre : « Ta Générosité même ! »57. Bien sûr, la notion de “Jeu divin” n’est pas aussi clairement présente dans les conceptions islamiques que dans celles de la tradition hindoue58 et, au premier abord, elle en semble même exclue par des passages coraniques comme : « Nous n’avons pas créé le Ciel et la Terre et ce qui est entre eux (comme des) joueurs (lâ‘ibîn) » (Cor. 21, 16), où le “jeu” s’oppose à la Sagesse ; mais si l’on définit le “jeu” comme différent « du “travail” en ce qu’il est une activité spontanée, qui n’est due à aucun besoin et n’implique aucun effort », on reconnaîtra, en contexte islamique, que cela « convient aussi parfaitement que possible à l’activité divine »59, comme beaucoup d’affirmations traditionnelles le confirment60.

Le Dhikr par le Nom “Allâh”

Si l’on devait réunir la somme des documents concernant les modalités du dhikr en Islam en général et dans le Taçawwuf en particulier, la moisson serait impressionnante, et il est certain que le Nom Allâh y tiendrait une place de choix, puisqu’il fait partie des vocables incantatoires fréquemment utilisés, avec la formule Lâ ilâha illâ-Llâh et le pronom Huwa61. S’il est incontestable, dans la perspective générale des Maîtres soufis, que le dhikr transmis personnellement à un disciple, avec les techniques et le contrôle initiatiques correspondants, sont les plus efficaces et les plus sûrs, il n’en reste pas moins que les injonctions coraniques concernant cette pratique sont générales et s’adressent à tous les croyants : « Ô vous qui avez la foi, invoquez Allâh par une invocation fréquente (ou répétée) » (Cor. 33, 41)62 ; « Dans des demeures, Allâh a donné la permission qu’elles soient élevées, et qu’on y invoque Son Nom » (Cor. 24, 36)63 ; « Dis : “Allâh”, puis laisse-les à jouer dans leur pataugeage » (Cor. 6, 91).

Quelles que soient les interprétations que l’on donne à ses versets, le sens le plus direct indique incontestablement la possibilité, pour tout croyant, d’invoquer par le Nom « Allâh » ; c’est même un Ordre divin ! Nous avons fait, au tout début de notre étude, une remarque concernant l’adéquation entre la façon de considérer le Nom Allâh comme ayant ou non une étymologie, et ses conceptions métaphysiques et initiatiques. Ce Nom a, en effet, l’avantage d’être une synthèse permettant d’intégrer n’importe quelle réalité relative, prise comme point de départ, à la réalité divine correspondante64. Son aspect de “Fonction de Divinité” aide l’invocateur à avoir, dans un premier temps, un repère possible dans sa concentration, car il peut s’orienter vers “quelque chose” et, comme Nom propre de l’Essence, il débouche nécessairement sur la réalisation métaphysique suprême65.

Pour finir, nous nous arrêterons sur une certaine correspondance du dhikr avec la physiologie humaine66. Il est facile de constater les relations évidentes entre le dhikr par le Nom Huwa et les modalités de la respiration avec laquelle il s’identifie pratiquement. Il y a, dans ce dernier cas, un rapprochement incontestable à faire avec certaines techniques de yoga ou d’autres modes de réalisation extrême-orientaux, comme ceux mis en œuvre dans le Zen ou le Taoïsme, et qui utilisent la maîtrise du souffle. Le Nom Allâh, quant à lui, participe, dans sa prononciation, à la fois du battement du cœur et de la respiration, ce en quoi Il intègre, d’une certaine manière, le dhikr Huwa, ce que suggère le texte d’Ibn ‘Arabî67. Il réunit donc les deux fonctions vitales les plus importantes, ce qui nous ramène à son caractère de synthèse sur lequel nous avons insisté au cours de cette « Introduction »68.

Max Giraud

Notes :

22 – Cf., par exemple, Ar-Râzî, Traité, Vol. 1, p. 233, et Jandî, Sharh Fuçûç al-Hikam, p. 35.

23 – Hâ, avec une vocalisation en â allongée, entre dans la composition de plusieurs pronoms démonstratifs, et indique de ce fait un but vers lequel on doit s’orienter.

24 – Allâh peut être lu Al-H, “Le Soi”, d’après Jean Canteins (Miroir de la Shahâda, p. 25).

25 – Cette idée trouve des applications dans l’ordre de la géographie sacrée et dans le choix de la détermination des centres spirituels. Le cas d’Abraham qui reçoit l’Ordre divin de laisser Ismaël et sa mère dans un lieu désert où sera édifié (ou restauré, selon les données traditionnelles) le temple sacré de la Ka‘bah en est un exemple. À un moindre degré, le choix de l’emplacement de l’abbaye de Cîteaux, par saint Robert de Molesme, dans un lieu appelé “le Désert”, est le symbole, chez ce Maître, d’un retour conscient à l’Essence envisagée selon son aspect de Majesté. L’ordre de Cluny a plutôt privilégié – en tout cas dans son développement final ‒ l’aspect de Beauté.

26 – Cette idée est très présente chez Maître Eckhart qui emploie les termes Einöde et Wüste (en allemand actuel) pour parler de Dieu dans “Son fond sans fond”. Dans sa doctrine, Einöde suggère le “vide”, le “désert” de l’Unité transcendante. Wüste, comme le français “vaste, dévasté” (angl. waste), vient du latin vastus, “vaste”, “dévasté”, “désert”, “vide”, “immense”, terme qui suggère aussi le vide et l’illimitation.

27 – « Nous avons fait à partir de l’Eau toute chose vivante » (Cor. 21, 30). Il serait intéressant de revenir à une autre occasion sur les différents aspects de la Vie, au sens métaphysique du terme, et montrer pourquoi René Guénon, dans le contexte où il écrivait, a plutôt privilégié l’aspect d’illusion qui peut y être attaché. Parmi les considérations qui vont suivre, certaines donnent des éléments de réponse à cette question.

28 – Cf. notre « Introduction » au tome II. L’Émîr, suivant en cela ses Maîtres prédécesseurs, définit d’abord le Principe suprême, al-Wahdah, comme comprenant l’Être et le Non-Être, mais aussi comme étant « ni Être ni Non-Être » (lâ wujûd wa lâ ‘adam), ce qui correspond parfaitement, jusque dans la précision des termes, à la formulation que René Guénon donne de la Réalité suprême ; il propose ensuite une “définition” de forme négative de la Réalité en tant qu’al-Ahadiyyah, qui est : martabah al-‘adam al-mahd al-mutlaq, « le degré du Non-Être pur et absolu » et, enfin, il précise qu’al-Wâhidiyyah est martabah al-wujûd al-mahd al-mutlaq, « le degré de l’Être pur absolu ». On voit, à cette occasion, les affinités de la fonction d’enseignement de ce Maître avec celle de Shaykh ‘Abd al-Wâhid Yahyā Guénon, sous le rapport d’un « langage de Vérité chez les Derniers » (Cor. 26, 84, et cf. Mawqif 82, t. III).

29 – Cf. le « Numéro spécial René Guénon » de Science sacrée, p. 314, 2003.

30 – Ce symbolisme est équivalent à l’image, parfois utilisée en contexte hindou, de la Buddhi, en tant que première manifestation du Principe, disparaissant face à la Réalité transcendante, comme l’eau jetée sur une pierre chaude.

31 – Cf. René Guénon, Le Roi du Monde, ch. 3 ; Michel Vâlsan, op. cit., ch. 6 ; Ch.-A. Gilis, La Doctrine initiatique du Pèlerinage, ch. 5.

32 – At-Tafsîr al-kabîr, Vol. 1, p. 159.

33 – Ces mots sont rendus en arabe par des dérivés de la racine S.K.N. Certains auteurs insistent sur la différence de traitement de la notion de Sakînah en Islam et de celle de Shekinah dans le Judaïsme. S’ils n’ont pas tort sur un plan, il n’en reste pas moins qu’elles sont réellement équivalentes au fond, ainsi que pourrait le démontrer l’utilisation objective – et souvent littérale – de certaines affirmations de la tradition. Il faudrait une autre occasion pour traiter sérieusement le sujet. D’une manière générale, le fait qu’une doctrine ne s’est pas développée spécifiquement dans une tradition ne veut pas dire qu’elle ne s’y trouve pas, avec toutes ses possibilités et les opportunités d’en activer les virtualités ; c’est, ce nous semble, une conséquence que l’on peut légitimement tirer de ce passage de René Guénon : « La tradition, par contre, admet tous les aspects de la vérité ; elle ne s’oppose à aucune adaptation légitime » (Orient et Occident, « Conclusion »). L’Émîr ne dit pas autre chose lorsqu’il explique dans le premier des Mawâqif : « Tu verras toujours quelqu’un à qui Allâh a ouvert la vue intérieure et illuminé le secret de l’âme, tirer d’un verset ou d’une Tradition prophétique un sens que personne avant lui n’avait découvert. Il en sera ainsi jusqu’à l’arrivée de l’Heure finale. Cela n’est dû qu’à la capacité infinie de la Science de Dieu, car c’est Lui-même qui les enseigne et les dirige » (t. I).

34 – Peu importe que l’intellect soit envisagé comme limité à la raison, comme il semble que ce soit le cas dans ce passage d’Ar-Râzî, ou qu’il soit transposé dans un sens plus universel en tant qu’Intellect premier.

35 – Cf. le « Numéro spécial René Guénon » de Science sacrée, p. 304, n. 2.

36 – Dans le sens de “passé au-delà de tout conditionnement créé”.

37 – Cf. Michel Vâlsan, « Remarques préliminaires sur l’Intellect et la Conscience », Études Traditionnelles, nos 372-373, 1962, p. 202.

38 – Qurtubî, op. cit., Vol 1, p. 102 ; Lisân al-‘Arab, Vol. 13, p. 469.

39 – Les doctrines de Shakti et de Mâyâ sont caractéristiques d’idées archétypales dont nous avons parlé plus haut, qui peuvent servir de révélateurs pour mettre en lumière les doctrines équivalentes hors du contexte hindou ; c’est pour cette raison que nous les utilisons ici.

40 – On peut rapprocher ainsi cette racine des significations des mots Dêva, Dieu, Zeus, qui contiennent les idées de “brillance”, “luminosité” liées au “jour”.

41 – Lisân al-‘Arab, Vol. 13, pp. 538-539. Rappelons qu’en arabe le serpent, al-hayyah, est associé à l’idée de vie, al-hayyâh, par la racine H.Y.Y. qui leur est commune. Une autre racine arabe présente cette particularité : ‘MR, dont les dérivés allient les notions d’“habitation” (verbe ‘amara), de “vie” (‘umr) et de “serpent” (‘âmir).

42 – Cf. René Guénon, Études sur l’Hindouisme, « Mâyâ ».

43 – Cf. René Guénon, Le Symbolisme de la Croix, ch. 14.

44 – Le serpent est présent dans les dérivés de la racine L.W.H., comme nous venons de l’indiquer, mais il se trouve aussi dans ceux de la racine A.L.H., car ilâhah s’emploie tant pour la divinité féminine que pour le serpent.

45 – Alain Daniélou, Mythes et Dieux de l’Inde, pp. 388-389 et 437, Flammarion, Paris, 1994.

46 – Nous avons montré dans Science sacrée (nos 1-2, p. 92, 2001) que l’enroulement et le déroulement du serpent étaient en rapport avec la conception de l’Étendard de la Louange (Liwâ’ al-Hamd) dans la doctrine islamique. Ce rapprochement est d’autant plus justifié que le dictionnaire Lisân al-‘Arab, associant al-lâhah, le serpent, à al-Lât, l’idole célèbre préislamique, hésite, quant à son étymologie, entre la racine L.W.H., objet de notre texte, et L.W.Â., qui donne Liwâ’, “Étendard”. Le nom propre du serpent sans fin de la mythologie hindoue est Shesha, qui signifie “vestige”, “reste”, “résidu”.

47 – Études sur l’Hindouisme, p. 42, n. 2.

48 – La Grande Triade, ch. 25 ; cf. aussi Le Roi du Monde, ch. 3, et Le Symbolisme de la Croix, ch. 7.

49 – Nous n’en livrons ici qu’une part, le reste pouvant être utilisé à une autre occasion.

50 – Études Traditionnelles, 1948, p. 146.

51 – Cf. aussi Cor. 6, 32 ; 29, 64 ; 47, 36. Dans ce dernier verset, il est même précisé : « La vie de ce bas monde est seulement jeu et distraction. »

52 – Le commerce (at-tijârah), bien entendu, peut recevoir, selon certaines conditions, une signification très élevée, mais il peut être, par ailleurs, cause de “déconcentration”, car il met en jeu une relation avec un “autre” et semble, sous ce rapport, enraciné dans la dualité, dans le jeu des actions et réactions réciproques. Sous son aspect positif et sacré, il est, par contre, facteur d’union et d’harmonie. Un hadîth “saint” (qudsî) prévient : « Je suis le Troisième des deux associés tant que l’un des deux ne trahit pas son compagnon ; s’il le trahit, Je me retire d’entre eux » (Al-ittihâfât as-saniyyah bi-al-ahâdîth al-qudsiyyah, hadîth 60, p. 34, Beyrouth, 1975).

53 – Les mots entre parenthèses dans ces traductions de versets ont pour origine la racine L.H.W.

54 – Il est cependant certaines circonstances exceptionnelles où la distraction et le jeu n’ont pas ce statut négatif ; c’est le cas, en particulier, des jours des grandes Fêtes, après l’accomplissement de la prière prescrite (cf. Fut. I, p. 517). En effet, « il est recommandé de jouer, de se réjouir, de s’embellir en ce jour […], car ton âme a un droit sur toi et le jeu, la distraction, la gaieté, en ce jour, font partie du droit de ton âme ; ne sois donc pas injuste envers ton âme » (Ibn ‘Arabî, Fut. I, p. 519).

55 – Nous précisons : « d’une certaine manière », car le wâw n’apparaît pas ouvertement dans le Nom, comme l’indique le traité (cf. pp. 146-147).

56 – Cf. « La phrase inaugurale des Futûhât al-Makkiyyah », Science sacrée, nos 1-2, pp. 77- 80, et J.-F. Houberdon, ibid., « Approche doctrinale », nos 3-4, pp. 123-143.

57 – Fut. II, p. 139 ; cf. aussi Fut. I, p. 238, et IV, p. 68.

58 – Cf. A. K. Coomaraswamy, « Lîlâ », Études Traditionnelles, 1975, n° 447, et « “Paternité spirituelle” et “Puppet complex” », 1974, nos 443-444.

59 – René Guénon, Études sur l’Hindouisme, pp. 254-255.

60 – « Nous avons déjà créé les cieux et la terre et ce qui est entre les deux en six jours sans qu’aucune fatigue (lu‘ûb) ne Nous touche » (Cor. 50, 38) ; « Il est Celui qui a fait débuter la Création et ensuite la fait revenir (ou : la répète, yu‘îduhu) ; certes, cela Lui est facile » (Cor. 30, 27. Cf. aussi 2, 255 ; 46, 33 ; 50, 15).

61 – On peut toujours tirer d’un passage des œuvres des Maîtres que tel ou tel dhikr est le dhikr suprême. Il faut cependant se méfier des traductions réductrices qui rendent systématiquement par “suprême” des superlatifs comme akmal (“plus parfait”), a‘zam (“plus magnifique”, “immense”), atamm (“plus complet”), a‘lâ (“plus haut”), arfa‘ (“plus élevé”), afdal (“plus profitable”), qui proviennent de racines différentes, et n’ont donc pas le même sens. La question du “dhikr suprême” est, en réalité, assez complexe et ne reçoit pas les mêmes réponses selon les auteurs ; elle peut être traitée de différentes façons chez un même auteur. Par ailleurs, dans la pratique du soufisme, un disciple peut recevoir des formules d’invocation différentes selon ses stations et ses états.

62 – L’interprétation que donne Ibn ‘Arabî de ce verset et de certaines Traditions qui s’y rapportent est très claire en Fut. III, 299 : on a affaire ici à une Injonction divine générale concernant la répétition spécifique du Nom Allâh comme invocation continue. Bien entendu, comme nous l’avons dit plus haut, la transmission d’un dhikr méthodique par un Maître spirituel réalisé reste plus efficace et plus sûre.

63 – Quelle que soit la manière dont ces “demeures” sont comprises par les commentateurs : mosquées, maisons, la terre entière (cf. Fut. III, 144), ou le cœur de l’invocateur croyant (cf. Fut. IV, 400), et quelle que soit la modalité du dhikr dont il est question ici (prière légale, invocations particulières par des Noms divins ou des formules traditionnelles), il n’en reste pas moins que le verset énonce sans ambiguïté que la permission d’invoquer Son Nom a été donnée une fois pour toutes par Allâh Lui-même. Ainsi, dans son sens général et sa pratique commune, l’invocation ne requiert pas, en principe, de permission supplémentaire.

64 – Cf. J.-F. Houberdon, art. cit.

65 – Dans un sens proche, Râmakrishna dit : « Invoquez ce Brahman avec attributs qui écoute les prières, et c’est Lui qui vous fera connaître l’Absolu. Car Celui qui est le Brahman avec attributs est aussi le Brahman au-delà des attributs » (L’enseignement de Râmakrishna, Albin Michel, p. 426). 66 – Cf. La petite Philocalie de la Prière du cœur, « Appendice », pp. 234-248 : « Une technique soufie de la Prière du cœur », Éditions du Seuil, Paris, 1968. (Le traducteur anonyme était, en fait, Michel Vâlsan).

67 – Cf. Le Traité du Nom de Majesté, pp. 145-146.

68 – Il faut noter aussi que parfois la première lettre et la dernière du Nom Allâh sont employées dans l’invocation Âh, justifiée comme étant le gémissement du malade qui appelle Allâh. Ainsi, Najm al-Dîn Kubrâ dit : « Lorsqu’un mal vous touche ne dites pas “âkh”, car c’est le nom de Satan, mais dites “âh” car c’est le Nom d’Allâh ! » (Fawâh’ih al-Jamal wa Fawâtih al-Jalâl, texte établi et commenté par Fritz Meier, Wiesbaden, 1957).

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