Fatih Sarikir. © CIMG.
Président de la Confédération islamique Milli Görüs France et secrétaire général du CFCM, Fatih Sarikir a répondu aux questions de Mizane.info sur l’amendement sénatorial déposé pour interdire le projet d’école du Milli Görüs à Albertville. Il dénonce des accusations sans fondement et parle de mesures punitives pour sa non signature de la charte des imams.
Mizane.info : L’amendement pour donner le pouvoir aux préfets d’interdire des écoles hors contrat pour liens avec des puissances étrangères déposé par le ministre de l’Intérieur au Sénat compromet-il administrativement parlant l’ouverture de l’école du Milli Görüs (CIMG) à Albertville ?
Fatih Sarikir : Avant de parler de cet amendement déposé au Sénat, il faut savoir que ce projet de loi va revenir à l’Assemblée nationale pour y être débattu. Il ne s’agit pas d’en faire un amendement Milli Görüs même si cet amendement a été déposé au moment d’une polémique créée autour du projet d’ouverture de notre école (à Albertville). Cet amendement prévoit que tout établissement susceptible d’être en lien avec un Etat étranger pourra être empêché d’ouvrir. Notre fédération n’est absolument pas concernée par cela. Nos établissements ne sont sous aucune influence étrangère.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a directement associé sur son compte Twitter le vote de cet amendement à la volonté de fermer ou d’empêcher l’ouverture d’écoles comme celles du Milli Görüs…
Oui et nous regrettons les amalgames faits à ce sujet-là. Nos écoles ont toujours été indépendantes de tout Etat étranger.
A quoi attribuez-vous ces offensives sévères et multiples de l’exécutif français contre le Milli Görüs ?
Elles remontent à mi-janvier, à l’adoption de la charte des imams qui avait vocation initialement à agréer les imams. Etant donné que le Conseil national des imams n’a pas pu voir le jour, la charte est malheureusement utilisée à mauvais escient par des politiciens pour entacher l’honneur et la crédibilité de fédérations comme la nôtre qui n’avons pas signé cette charte. Personne ne l’ignore, nous sommes entrés dans une période électorale. Certains politiques y compris de l’opposition diffusent ces opinions selon lesquelles nous serions contre la République, des accusations inadmissibles et très regrettables. D’ailleurs, à ce propos, les trois fédérations non signataires de la charte, dont la CIMG, avons fait une déclaration commune pour dire o combien ces attaques étaient injustes et aussi pour déclarer notre attachement à la laïcité, à la Constitution et aux lois de la République. Des Hommes politiques ont savamment orchestré un amalgame entre la charte et la loi contre le séparatisme, comme si cette charte faisait partie de la loi ! Il n’en est rien. On parle d’une charte signée par cinq fédérations et supposées rédigées par elles et on en fait une arme de destruction contre les non signataires.
Vous attribuez donc toutes les mesures prises contre vos structures (Mosquée Eyyüb Sultan de Strasbourg, ouverture d’écoles hors contrat) comme des mesures punitives pour votre refus de signer la charte ?
Ce n’est pas une opinion, mais un fait. Ceux qui nous ont accusé citent et s’appuient directement sur la charte. Cette charte devait labelliser les imams. Elle n’engage que ceux qui l’ont signé. Cette charte n’est pas une loi, or, elle est utilisée comme si elle était une loi. Nous espérons malgré tout que les choses évoluent dans le bon sens.
Au-delà de cette charte, le Milli Görüs ne paie-t-il pas les tensions diplomatiques entre la France et la Turquie qui se sont intensifiées ces derniers mois ?
Entre les états, il y a toujours des périodes de tension et d’accalmie. La France et la Turquie sont deux grands pays dont les relations sont parfois frappées de tensions mais aussi souvent traversées d’accalmie, d’harmonie et de dialogue. Même pendant les moments de tensions diplomatiques, nous étions bien reçus Place Beauvau ou à l’Elysée dans le cadre de la mise en place du Conseil national des imams. Les pouvoirs publics font bien la différence. Ces tensions se sont entretemps calmées, les deux pays discutent ensemble.
Ce contexte politique compromet-il l’ouverture de vos écoles ?
Pour qu’une école s’ouvre, quatre institutions doivent valider la demande. Avoir le feu vert du procureur de la République, celui du préfet qui représente l’Etat et qui peut s’opposer à cette ouverture. Il y a également l’aval du maire de la ville et in fine celui du recteur académique de l’éducation nationale. Dans le cadre de la protection de l’enfance ou de la protection de l’ordre public, le préfet a déjà les moyens de s’opposer à l’ouverture d’une école. Pour le projet d’Albertville, nous n’en sommes qu’à l’étape du dépôt de permis de construire. Malheureusement, le maire s’y est opposé avec un détournement de pouvoir flagrant puisqu’il a invoqué le manque de places de parking disponibles, alors qu’il y a plus de 80 places disponibles. Il s’est appuyé sur le droit urbanistique. Evidemment, la justice a retoqué ce refus et le juge a demandé au maire de nous accorder le permis de construire. L’opposition a même été jusqu’à s’opposer à la décision du juge ! L’affaire suivra son cours. Nous sommes dans un état de droit, nous nous plierons à la décision de la justice.
Propos recueillis par la rédaction