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Mohamed Khenissi : « C’est aux fidèles de proposer et d’élire leurs représentants » 5/6

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Dans ce cinquième volet d’un dossier consacré à la consultation départementale sur l’islam lancée par le ministère de l’Intérieur, Mizane.info donne la parole à Mohamed Khenissi. Acteur de terrain engagé dans le dialogue au sein de la société civile, Mohamed Khenissi est consultant en fait religieux et président/fondateur de l’association Hermeneo dont l’objectif est d’oeuvrer « pour le vivre ensemble à travers une formation à la laïcité et une découverte non confessionnelle d’héritages religieux et philosophiques. » Dans son intervention, l’homme défend une refonte du statut de l’imam et une approche étatique du culte qui soit respectueuse du choix légitime des fidèles.

« De manière générale, je suis toujours agacé par l’idée qu’un culte puisse être organisé par une administration, même si le culte musulman, plus récent, suscite des questions et génère souvent des peurs.

Mais le fait que des préfets choisissent leurs interlocuteurs est une perte de légitimité pour cette initiative. C’est à la base et à la masse des fidèles de proposer et d’élire leurs représentants attitrés. Les Conseils régionaux du culte musulman, en tant qu’organes représentatifs du culte musulman, auraient dû faire ce travail. Ils sont censés connaître les associations de terrain. Mais le problème est que les CRCM, par leur composition, par leur mode de désignation, et par le regard condescendant qu’ils provoquent chez les hauts fonctionnaires crée un réseau fermé constitué des mêmes acteurs, des mêmes profils, ce qui ne peut qu’aboutir au même schéma et au même résultat négatif.

Le passage de la représentation du culte à celle des musulmans

J’attends de voir ce que donnera la consultation annoncée par le président du Conseil français du culte musulman. Mais la question se pose : quelle crédibilité pour cette consultation qui arrivera après les assises ? S’il veut se donner une légitimité et une nouvelle virginité, le CFCM doit s’ouvrir à d’autres acteurs de terrain : des convertis, des jeunes, des femmes… à la communauté tout simplement. Mais l’opération risque d’être difficile étant donné la profondeur du malaise, d’autant plus que les deux derniers présidents du CFCM (Mohamed Moussaoui, Anouar Kbibech, ndlr) n’ont cessé de clamer que le CFCM était une coquille vide et qu’il n’avait pas vocation à représenter les musulmans. Or, le passage s’est fait tacitement dans l’esprit de plusieurs acteurs évoluant dans ces cercles, d’une question de la représentation du culte musulman à celle des musulmans eux-mêmes ! Il y a beaucoup de confusion sur ce sujet alors qu’il faudrait bien différencier les deux parties..

Les représentants officiels du culte musulman en France, qu’ils viennent du CFCM, CRCM ou de fédérations nationales, y compris l’UOIF, ont brillé par leur inaction. Ils n’ont aucun poids.

Et l’Exécutif ajoute de la confusion lorsqu’il va consulter une femme imam danoise (Sherin Khankan) ou un islamologue tunisien (Youssef Sedikki), autrement dit des acteurs étrangers au culte musulman en France, pour « confirmer » dans notre inconscient collectif que l’islam est exogène à notre pays. Cela ne fait que renforcer la perception que l’Etat n’est pas objectif dans ce dossier et cherche à s’appuyer sur tel ou tel courant de pensée progressiste ou libéral. Il faut se référer à la loi et à son cadre laïc qui encadre les rapports entre l’Etat et les religions. La loi prévoit que le bureau des cultes est l’organe de relation entre l’Etat et les religions. La loi garantit également le devoir de neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions, neutralité qui par moment n’est pas respectée. Rien que sur la question de la formation des imams réalisée dans le cadre d’un accord binational France-Maroc, la formation est dispensée pendant deux ou trois ans au Maroc.

Les mesures édictées par le haut sont sans effets !

Il faut savoir que c’est un Haut-Fonctionnaire de l’Etat français qui a activement participé à la mise en place de ce programme avec la garantie pour les futurs imams (et aumôniers) d’obtenir un poste à leur retour en France. Ce sont essentiellement des personnes gravitant autour du réseau des mosquées marocaines de l’Union des Mosquées de France qui ont bénéficié de ce programme. Ce qui est aberrant.

D’un autre côté, les représentants officiels du culte musulman en France, qu’ils viennent du CFCM, CRCM ou de fédérations nationales, y compris l’UOIF, ont brillé par leur inaction. Ils n’ont aucun poids. Il suffit de voir que la Fondation de l’islam de France, crée il y a dix ans, a été doté d’un fond budgétaire de deux millions d’euros par le riche patron d’un groupe aéronautique. Cet argent a dormi pendant dix ans sans être utilisé ! A cette époque, et avant que Jean-Pierre Chevènement n’en prenne la tête, des dignitaires religieux musulmans de la Grande Mosquée de Paris, Grande Mosquée de Lyon ou l’UOIF y ont participé. Mais la concurrence et l’animosité entre le Maroc et l’Algérie ont saboté beaucoup de projets. La seule chose symbolique sur laquelle subsiste un consensus est la désignation des dates de début et fin de Ramadan (et encore).

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Président de Hermeneo, Mohamed Khenissi est notamment engagé dans le dialogue inter-religieux.

Ce qui est sûr, c’est que les problématiques des mosquées de quartier sont très éloignées de ces enjeux. Le mode d’élection du CFCM doit être changé, l’institution doit se réformer et il faut même éviter d’être enfermé dans une seule structure. Il est possible de s’inspirer de ce que font d’autres communautés religieuses en France.

Moins de 3 % des cadres religieux sont affiliés à la CAVIMAC, la mutuelle des ministres du culte. Il n’y a pas encore de statut administratif adapté au travail des imams. Il faut également sortir de la culture du paiement au noir et de la considération que l’imam est le maillon faible de l’association.

Les Juifs ont par exemple un organe de représentation religieux avec le Consistoire. Un organe de représentation politique avec le CRIF. Et ils ont un Fonds social unifié pour financer des projets sociaux, éducatifs pour la jeunesse. Il faudra voir si l’ensemble des personnes se revendiquant de confession musulmane et vivant en France, sont prêtes. Dans tous les cas, les mesures qui viennent du haut ont peu d’influence sur la base.

La refonte nécessaire du statut de l’imam

Avant de voir la question de la formation de l’imam, il faut voir celle du statut de l’imam. La moitié des mosquées en France sont intégrés dans le CFCM. Sur cet ensemble, moins de 3 % des cadres religieux sont affiliés à la CAVIMAC (Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes), la mutuelle des ministres du culte. Il n’y a pas encore de statut administratif adapté au travail des imams. Il faut également sortir de la culture du paiement au noir et de la considération que l’imam est le maillon faible de l’association. Il faut revoir le statut des responsables de mosquées, quel est leur pedigree, leur engagement et quelle est leur formation religieuse car ils sont souvent intouchables et peuvent faire beaucoup de bien comme beaucoup de mal, suivant les cas.

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Mohamed Khenissi au cours d’une présentation de son association Hermeneo.

Idéalement, il aurait fallu réformer le CFCM avant de tenir ces assises, pour le faire gagner en légitimité. Si le CFCM gagne en légitimité auprès des fidèles, il sera alors possible de faire des choses. Cela se fera à terme. Les choix judicieux seront faits. Cette légitimité passe par une réforme du mode de représentation. Les cadres religieux doivent également se former sur la laïcité, la connaissance des lois et du cadre historique de la présence des religions en France. La connaissance de l’Histoire de la République permet de relativiser ce qui se passe et de mieux comprendre l’Autre. Cela permettra aussi de s’émanciper de la double tutelle de l’islam consulaire et d’une partie de l’Administration. Il faut surtout des personnes compétentes en matière de théologie. Il y a très peu de publications universitaires de théologiens musulmans français. Un conseil théologique représentatif des différents courants aurait toute sa place pour produire ces publications et un tel conseil ne serait nullement un clergé. Ce travail serait utile lorsque l’on voit toutes les inepties produites sur un certain nombre de sujets et diffusées sur les réseaux sociaux. »

Mohamed Khenissi

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