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Mustapha Chérif : le Coran et notre temps

Ecrivain, philosophe, homme engagé dans le dialogue interreligieux, Mustapha Chérif est l’auteur du livre Le Coran et notre temps. Dans le premier chapitre de son ouvrage, M. Chérif présente quelques-uns des principes qui guident l’action prônée par le Coran. Mizane.info en publie quelques extraits.

Le Coran vise le projet majeur : faire connaître Dieu, et partant humaniser, éduquer et responsabiliser en rappelant le lien entre le Créateur et Sa créature. Par-là, il éveille les consciences, attire l’attention sur les risques, les impasses et les dérives qui guettent l’humain qui ne réfléchit pas et ne prête pas attention à ce lien et aux signes de Dieu.

Il rappelle que croire signifie voir que la vie a un sens. En tant que créature douée de raison, nous sommes responsables de notre devenir, corps et âme, partant du fait que la vie est éphémère et qu’il y a un au-delà du monde. Le croyant, l’être humain porté par la foi doit pouvoir se dire et vérifier que le monde existe et n’est pas un jeu. Nous avons à répondre au monde et à l’au-delà du monde.

Le croyant donne le nom de « Dieu » au sens et à l’origine de la vie, au sens et à l’origine du monde. Croire, pour le Coran, signifie prendre conscience que seule cette Réalité est, et, partant, voir et entendre que la vie a un sens. Le monde nous est donné, et nous en avons la responsabilité, même si, en un certain sens, nous sommes dépendants, et ce dont nous dépendons nous pouvons l’appeler « Dieu » ; en même temps, nous sommes responsables de notre devenir. Le Coran intervient pour nous rappeler que pour être pleinement humain, honorer la vie, vivre heureux et se préparer à l’au-delà, il faut se souvenir de Dieu, refuser toute forme d’idolâtrie, n’adorer que Lui seul, mettre en œuvre l’Alliance, le pacte prééternel entre Dieu et l’humanité, marquant l’origine et l’avenir du monde.

Le Coran parle de Dieu par allégorie, le décrit parfois, sachant que rien ne Lui ressemble et que l’entendement humain ne peut saisir l’Infini, l’Absolu, dans les contingences terrestres : « Dieu est la Lumière des cieux et de la terre. Semblance de Sa lumière : une niche où brûle une lampe. La lampe dans un cristal ; le cristal on dirait une étoile de perle : elle tire son aliment d’un arbre de bénédiction, un olivier qui ne soit ni de l’est ni de l’ouest, dont l’huile éclaire presque sans que la touche le feu. Lumière sur lumière, Dieu guide à Sa lumière qui Il veut ! Et Il use, à l’intention des hommes, de semblances, car Dieu est Connaissant de toutes choses » (24 : 35). Dans le verset dit « du Trône », sont décrits certains des Attributs et pouvoirs de Dieu : « Dieu : il n’est de dieu que Lui, le Vivant, l’Agent éternel. Somnolence ne le prend, non plus que sommeil. A Lui appartient ce qu’il y a dans les cieux et sur la terre. Qui oserait intercéder auprès de Lui si ce n’est sur Sa permission, Lui qui sait l’imminent et le futur des hommes, alors qu’eux n’embrassent même pas une parcelle de Sa connaissance, excepté ce qu’Il veut. Son Trône s’étend aux cieux et à la terre, dont la sauvegarde ne Lui coûte aucun labeur. Il est le Sublime, le Grandiose » (2 : 255).

Se souvenir que chaque geste et chaque pensée, comme dons octroyés par Dieu, s’ils sont mis en œuvre dans la confiance, peuvent être un acte de libération, d’adoration, en accord avec le monde et l’au-delà du monde. Avoir la foi, selon le Coran, c’est avoir confiance en cette puissance absolue dont je dépends, et qui m’a ouvert la possibilité de la vie, de la liberté, de la responsabilité et du témoignage. Etre musulman ne signifie pas se « soumettre » comme un esclave ou un être dénué de raison et de liberté, mais avoir confiance, s’en remettre à Dieu en toute confiance. Par la foi réfléchie, dit le Coran, on adore et on accomplit la volonté de Dieu. Croire, c’est en premier lieu témoigner, raisonner, s’élever, se mettre en mouvement et à l’écoute pour donner notre réponse. Plus cette réponse s’élabore dans l’ouvert, la détermination et l’humilité, voire l’extinction de l’égo, pour être en phase, plus la réponse sera proche de ce qui est attendu : produire de la civilisation, où la Norme qui est au-dessus de toutes les normes est au centre.

Le Coran est ouvert. Il considère que la diversité des cultures et des catégories variables est un bienfait, et favorise la possibilité de vivre sa foi, dans des contextes sociaux culturels pluriels. Des difficultés peuvent apparaître dans un milieu où le musulman est minoritaire là où est combattu la foi ou la liberté, comme le monde du libéralisme sauvage ou de formes politiques totalitaires, qu’elles soient liées à l’athéisme ou au théocratique. Cependant, il est impératif de respecter les lois communes à tous les citoyens, et d’intérioriser sa foi. En même temps, il serait erroné d’affirmer que l’Islam ne favorise pas des formes culturelles spécifiques, sous prétexte qu’il est une religion qui laisse ouvert la possibilité de vivre sa foi dans toutes les cultures. Le sens de l’ouvert, l’adaptation, signifient un travail créatif d’articulation, de transformation et de symbiose. Cela veut dire aussi respecter les lois et partager les pratiques communes, séculières, areligieuses, profanes, avec la majorité des citoyens de la société dans laquelle on vit, et sereinement traduire sa foi, individuellement et collectivement, sans provocation, ni excès. C’est un travail permanent, marqué par l’échange, la citoyenneté et l’interculturel, jamais achevé, que l’Islam favorise. Apprendre à vivre ensemble est un acte de civilité, qui exige des concessions mutuelles, des transformations, un équilibre entre les droits et les devoirs.

Les principes : le vrai, le juste, le beau 

Le Coran est une communication (balâgh), qui se présente comme parole argumentée (hujja), visant à toucher le cœur et à réactiver la raison. Les principes y sont souvent répétés par pédagogie sur nombre de questions clefs. La plupart ordonnent de se prémunir, d’accomplir des actes de piété, c’est la visée vers le vrai : prière rituelle (çalât), purification des biens par le don (zakât), jeûne (çiyâm), patience, pèlerinage (hajj), etc., et nécessité liée à l’abstention ou à l’interdiction en matière d’idolâtrie, de violence gratuite, de mensonge, de vol, d’hypocrisie, d’adultère. Il s’agit d’apprendre à l’humain comment s’adresser au Créateur et vivre en vérité ; puis, on trouve l’obligation, liée au juste, dans le rapport à autrui et au monde ; et enfin, orientation vers le beau, pour vivre de manière civilisée en société.

La guidance : « Louange à Dieu qui a fait descendre sur Son adorateur le Livre, exempt de détour. » (18 : 1) « Voici l’Ecrit que nul doute n’entache, en guidance à ceux qui veulent se prémunir. » (2 : 1) « Dieu, il n’est de dieu que Lui, le Vivant, l’Agent éternel, qui fait descendre sur toi l’Ecrit dans la Vérité. » (3 : 1-3)

La foi et la justice : « Dis-leur : “Venez pour que je vous dise ce que notre Seigneur vous défend : ne lui associez rien ; soyez bons envers vos parents ; ne tuez point vos enfants par crainte de la misère – Nous pourvoyons à vos besoins et aux leurs – ; ne vous approchez point des mauvaises actions, soit ouvertement, soit secrètement ; ne tuez pas votre semblable, comme Dieu l’a défendu, si ce n’est en toute justice. Votre Seigneur vous fait ces recommandations afin de vous rendre raisonnable.” » (6 : 151) « Dieu n’ordonne jamais de mauvaises actions. » (7 : 28) « Dieu commande la justice et la bienfaisance. » (16 : 90)

La responsabilité : « Celui qui fera un bien du poids d’un atome le verra, et celui qui fera un mal du poids d’un atome le verra. » (99 : 7-8) « Dieu n’exige de chacun que ce qui lui est possible. » (2 : 386) « Nous avons proposé la foi aux cieux, à la terre, aux montagnes : ils ont refusé de s’en charger ; ils ont tremblé de la recevoir. L’homme s’en chargea, et il est devenu injuste et insensé. [Dieu l’a laissé prendre cet engagement] afin de pouvoir châtier les hommes et les femmes hypocrites, les polythéistes ainsi que pour pardonner aux croyants et aux croyantes, parce qu’Il est Miséricorde et Miséricordieux. » (33 : 72-73)

La liberté de conscience : « Pas de contrainte en religion. La voie du salut se distingue assez de l’erreur. » (2 : 256) « Si ton Dieu l’avait voulu, tous les hommes auraient cru, peux-tu forcer les hommes à embrasser l’Islam ?! Personne ne peut se convertir que si Dieu le permet. Le Seigneur couvrira d’opprobre ceux qui ne comprennent pas. » (10 : 99-100) « Dis : “La vérité vient de Dieu. L’homme est libre de croire ou de persister dans l’incrédulité.” » (18 : 29)

Le pardon : « A ceux qui repoussent l’injustice qui les attaque, la sanction du mal est un mal équivalent. Mais celui qui pardonne et cherche à se concilier, celui-là trouvera sa récompense assurée près de Dieu, qui hait les injustes. » (42 : 39-40) « Mais supporter et pardonner, c’est l’effet d’une âme autrement magnanime. » (42 : 43) « Et qui rendent le bien pour le mal ; à ceux-là est réservée une fin glorieuse. » (13 : 22) « Le bien et le mal ne seraient être confondus. Réponds au mal par le grand bien, et ton ennemi de se changer en ami intime. » (41 : 34)

Le beau : La beauté est considérée comme le reflet de la beauté divine, selon la parole du Prophète r : « Dieu est beau et Il aime la beauté. » Le sens de la vie est fondé sur la notion d’épreuve. L’être humain est mis à l’épreuve : « Pensez-vous entrer au Paradis alors que vous n’avez pas encore subi des épreuves semblables à celles que subirent ceux qui vécurent avant vous ? Misère et maladie les avaient touchés ; et ils furent secoués jusqu’à ce que le Messager et, avec lui, ceux qui avaient cru, se fussent écriés : “Quand viendra le secours de Dieu ?” Le secours de Dieu est sûrement proche ! » (2 : 214)

Le Message coranique se présente comme le dernier avertissement qui appelle à la foi, responsabilise, et exhorte à la piété et au bien. Récompense ici-bas et surtout dans l’autre monde, décrit comme éternel, pour ceux qui assument honnêtement l’épreuve de l’existence, prient, maîtrisent leurs passions, et se montrent bons envers les faibles, les pauvres et les orphelins. Le Prophète est chargé de rappeler et dépasser ce qui est écrit et révélé depuis le premier homme le prophète Adam, en passant par Nûh (Noé), Ibrâhîm (Abraham), Mûsâ (Moïse), et ‘Isâ le Messie (Jésus). Le Coran rappelle l’histoire de certains envoyés bibliques (Moïse, Aaron, Joseph, David, Salomon, etc.) et l’histoire de Marie, de Jésus et Jean-Baptiste, et évoque également la mission de prophètes « anciens » (Sâlih, Hûd et Chu‘ayb). Mais les « avertissements » ne sont pas entendus par des riches cupides, des puissants et des personnes insensibles à l’Appel, absorbés par leurs désirs étroits, idolâtries, polythéismes, égoïsmes et ambitions terrestres. D’où la condamnation de leurs pratiques matérialistes et païennes. Le Coran précise que Dieu les punira comme Il a châtié dans le passé le pharaon d’Égypte et les peuples oppresseurs, violents et jouisseurs, qui s’étaient pervertis et révoltés contre Lui. Aussi la révélation met-elle en valeur les vertus d’humanisme, de patience et d’endurance dont doivent faire preuve les croyants et à leur tête le Prophète.

Mustapha Chérif

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