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Pourquoi la réputation de Saladin a-t-elle traversé les siècles

L’acteur Ghassan Massoud incarnant Saladin dans la superproduction Kingdom of Heaven.

Dans un article dont Mizane.info publie de larges extraits, l’historien Jonathan Phillips revient sur les causes de la fascination exercée par Saladin, aussi bien dans le monde musulman qu’en Europe.

 Le 2 octobre 1187, le sultan Salah ad-Din Yusuf bin Ayyub — plus connu sous le nom de Saladin — prit la ville de Jérusalem pour la rendre au peuple musulman. Ce fut là le couronnement de sa carrière — un triomphe extraordinaire qui permit à son nom de résonner à travers les siècles.

Au cours des années précédentes, Saladin avait rassemblé une poignée de musulmans du Moyen-Orient dans le but de prendre le dessus sur les chrétiens — ou « Francs », comme on appelait à l’époque les habitants des États latins d’Orient — et de les écraser lors de la bataille de Hattin le 4 juillet 1187, permettant ainsi de reconquérir la troisième ville la plus importante de l’islam.

Jérusalem étant bien sûr également le pilier du christianisme, les nouvelles rapportant sa chute provoquèrent inévitablement l’indignation. Le désir de venger cette perte fut à l’origine de la Troisième Croisade, une expédition commandée par les plus grands dirigeants d’Europe occidentale, dont notamment Richard Ier d’Angleterre (aussi connu sous le nom de Richard Cœur-de-Lion). Cependant, après des années de campagne militaire ininterrompue, les croisés s’en retournèrent sans être parvenus à accomplir leur objectif initial. Malgré un certain nombre de défaites amères, Saladin ne céda pas et maintint son emprise sur Jérusalem. Il mourut le 4 mars 1193, épuisé par sa lutte.

Après plus de huit siècles, il est impressionnant de constater à quel point la réputation dont Saladin jouit au sein du monde musulman ne faiblit pas. Son histoire est inscrite dans leur paysage politique, religieux et culturel — l’histoire d’un homme qui a vaincu les envahisseurs occidentaux et qui a défendu son peuple et ses convictions religieuses. Bien que la victoire de Jérusalem soit en grande partie à l’origine de sa renommée, son caractère — ou la représentation qui fut faite de son caractère — y est également pour beaucoup. Tout au long de sa vie, la générosité, la piété, l’impartialité et la magnanimité de Saladin forgèrent sa réputation. Et bien qu’il bénéficiât indubitablement d’un entourage d’admirateurs littéraires aussi éloquents que persuasifs, les preuves que l’on peut récolter dans les écrits de personnes hors de son cercle fermé — y compris ceux de ses ennemis — témoignent de la prévalence de ces traits de personnalité, et prouvent qu’ils ont joué un rôle crucial dans son succès en tant que chef du jihad contre les Francs, ainsi qu’en tant que fondateur d’une dynastie impériale.

Saladin peint par Cristofano dell’altissimo.

Aujourd’hui encore, l’éventail de personnalités qui se réfèrent à l’héritage de Saladin possède une diversité surprenante. En vertu de son ethnie kurde, c’est un héros pour de nombreux membres de ce peuple : il figure sur les pièces de monnaie du Kurdistan irakien, et l’université d’Irbil porte son nom. Tayyip Erdogan, le président de Turquie, invoque régulièrement le sultan pour signifier son opposition à l’Occident. Lors de l’inauguration d’un nouvel aéroport au sud-est de la Turquie en 2015, il déclara : « Nous avons choisi pour cet aéroport le nom de Selahaddin Eyyubi [Saladin Ayyub] en signe de solidarité et de fraternité, et pour dire que Jérusalem appartient au Kurdes, aux Turcs, aux Arabes et aux musulmans pour toujours. »

Une référence à la mémoire du sultan plus provocatrice fut faite par Oussama ben Laden, l’ancien dirigeant du groupe terroriste islamiste Al-Qaïda. Les vers étant une forme courante de communication dans les cultures du Moyen-Orient, il écrivit les suivants, : « Je vous vois tous comme [Saladin] lui-même, brandissant son épée dont ruisselle le sang des infidèles. / Je vois [Saladin] émerger des nuages, et dans nos cœurs et dans nos esprits naît le souvenir des batailles [du Prophète Mohammed]. »

Un cas d’école

Saladin apparaît également dans de nombreux manuels scolaires au Moyen-Orient, ainsi que dans les pays musulmans tels que le Pakistan ou la Malaisie. Cependant, récemment, après que Morsi, de l’organisation islamiste des Frères Musulmans en Égypte, eut endossé la fonction de président pendant une brève période (2012-13), le régime du Général Sissi fit retirer l’histoire du sultan des programmes scolaires, considérant que ce récit pourrait encourager au jihad — un compliment maladroit visant la capacité de Saladin à pousser à l’action.

On retrouve sa vie et sa carrière dans de nombreux médias culturels à valeur moins polémique, tels que des films, des danses, des pièces de théâtre, des séries télévisées, ou encore des documentaires. Dans une série de dessins animés produite pour la télévision malaisienne en 2010, dont le public cible se compose de jeunes de 10 à 15 ans, un personnage inspiré de Saladin apparaît comme étant « le héros par excellence : courageux face au danger, ne cherchant jamais à se rendre, et drôle quand la situation s’y prête. Dans un monde où règne le danger, il n’y a qu’une seule personne que l’on a envie d’avoir à ses côtés : Saladin. »

Bien que l’héritage de Saladin ne se borne pas aux questions politiques et religieuses, son histoire est intrinsèquement liée au souvenir des croisades et à l’héritage issu de celles-ci. Cela est particulièrement vrai au Moyen-Orient. Les tensions relatives à l’idée des croisades, ainsi que le souvenir de la conquête sanglante des terres musulmanes par les Occidentaux, continuent en effet d’y nourrir un ressentiment latent. Malgré le fait que les croisés furent chassés de la Terre Sainte en 1291, la menace de nouvelles invasions ainsi que d’autres attaques des forces d’Europe chrétienne contre l’Empire Ottoman aux XVe et XVIe siècles suffisaient à faire craindre aux habitants de la région d’être confrontés une nouvelle vague de croisades.

Dès lors, il n’est donc pas surprenant que la victoire de Saladin sur les Francs continuât d’occuper une place considérable, à cette époque, dans la mémoire collective — au même titre, par ailleurs, que ses talents de dirigeant. Naima, un grand administrateur ottoman du début du XVIIIème siècle, écrivit, à propos du sultan : « Il est vrai qu’il n’y a que peu de rois qui égalèrent son niveau de dévotion à la religion et à l’État. Les livres d’Histoire débordent de louanges et d’hommages célébrant ce noble individu. »

L’invasion napoléonienne de l’Égypte en 1798 marqua le retour de l’influence occidentale à grande échelle au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, rendue plus prégnante encore par le déclin progressif de l’Empire Ottoman. Cette présence occidentale se manifesta par la réapparition de patriarcats et consulats chrétiens en Terre Sainte, par la prise de contrôle de l’Égypte par les Britanniques en 1882 et ensuite, après la Première Guerre mondiale, par la mise en place du mandat français en Syrie et du mandat britannique en Palestine.

Il est courant pour les gens et pour les dirigeants d’invoquer les héros du passé pour promouvoir leurs propres causes actuelles. Ainsi, après que les Britanniques eurent pris le pouvoir en Égypte, les parallèles avec les anciens conflits avec les croisés n’étaient que trop séduisants pour ceux qui s’opposaient à cette nouvelle présence étrangère. Cela correspondait également à une période de développement culturel : des journaux et troupes de théâtre arabes firent à cette époque leur apparition, tout comme un sens de l’identité grandissant qui rassembla la population autour de l’idée d’un nationalisme arabe. Dans un tel cadre, les exploits de Saladin prirent une allure particulièrement attrayante aux yeux de ceux qui ne pouvaient se résoudre à accepter la domination britannique en Égypte.

La Déclaration de Balfour et les tensions grandissantes entre les Sionistes et les Palestiniens, ainsi que le mandat français en Syrie, déclenchèrent des effusions populaires, de nature aussi bien politique que culturelle, invoquant tous Saladin. La poésie, qui joue un rôle crucial dans la culture arabe depuis des siècles — de nombreux admirateurs parmi les contemporains de Saladin s’exprimaient ainsi avec des vers complexes — connut un essor florissant dans les années vingt et trente, où elle recelait d’appels politiques poignants qui s’inspiraient de l’histoire du sultan.

Des liens plus directs avec les croisades furent faits à de nombreuses reprises dans la région. Dans les années trente, par exemple, la Palestine célébra le Jour de Hattin, commémorant la victoire de Saladin sur les Francs. Parallèlement, les sionistes furent de plus en plus décrits en tant que croisés des temps modernes. Après la fondation d’Israël en 1948, ce pays fut caractérisé par les nationalistes arabes comme étant un successeur des États latins d’Orient. Les liens entre les deux époques historiques furent ainsi renforcés.

Les nationalistes arabes continuèrent de se réclamer de l’héritage de Saladin tout au long des années cinquante, et même au-delà. Au cours du conflit avec l’Occident lors de la crise de Suez en 1956 et dans les années qui ont suivi, le président d’Égypte Gamal Abdel Nasser, qui fut à la tête de l’éphémère République arabe unie (1958-1961), mentionna souvent la victoire de Saladin sur les croisés.

Plus récemment, Saddam Hussein invoqua à de nombreuses reprises le souvenir du héros médiéval qui avait vaincu l’Occident. L’Organisation de Libération de la Palestine sous Yasser Arafat aspirait à reproduire la prise de Jérusalem par le sultan. Pendant la Première Intifada, lors d’affrontements entre les troupes israéliennes et les Palestiniens, ces derniers scandaient à l’intention des dirigeants israéliens : « Dites-le à Shamir, dites-le à Rabin — nous sommes les fils de Saladin! » En Syrie, le régime de Bachar el-Assad a cherché à asseoir son autorité en se servant de la présence à Damas de la tombe de Saladin, des succès historiques de ce dernier dans cette capitale syrienne, ainsi que de l’amour qu’il portait à la ville.

Conflits avec les co-religionnaires

Il faut cependant noter que tous les musulmans ne révèrent pas, ou n’ont pas (dans le passé) révéré Saladin. Au cours de sa carrière, le sultan a passé de nombreuses années en conflit avec ses co-religionnaires, les musulmans sunnites. Saladin était indubitablement décidé à libérer Jérusalem au nom de l’islam, mais cette intention était indissociable de sa détermination de créer une puissante dynastie impériale. Bien que son premier objectif fût approuvé par l’ensemble des Musulmans, Saladin s’attira de nombreuses critiques en usurpant la dynastie des Zengides en Syrie. En outre, des défaites militaires lors la bataille de Montgisard (1177), du Siège de Saint-Jean-d’Acre (1189-1191), ainsi que des batailles d’Arsouf (1191) et de Jaffa (1192) lui valurent également quelques reproches. Cependant, ses talents diplomatiques — aidés par la loyauté sans faille de sa propre famille — étaient tels que ces déconvenues ne ternirent pas définitivement la cause qu’il défendait.

En sa qualité de chef de l’islam sunnite, Saladin était également déterminé à affirmer la dominance de l’islam sunnite sur l’islam chiite, la doctrine rivale qui était alors représentée par le Califat fatimide du Caire. Lorsque la dynastie fatimide entama son déclin, Shîrkûh, l’oncle de Saladin, prit la tête d’une conquête de l’Égypte, accompagné de son neveu. Saladin se distingua en tant que figure de proue de la dynastie de son clan et ainsi, en 1171, quand le jeune calife chiite mourut, Saladin prit entièrement le contrôle de l’Égypte et imposa la conversion à la branche sunnite de l’islam.

Focus : Qui étaient les Fatimides ?

Le dirigeant de la dynastie fatimide, Ubayd Allah al-Mahdi, qui vit le jour en Afrique du Nord au début du Xème siècle, était considéré par les Musulmans chiites de la branche ismaélienne comme le successeur du Prophète, ainsi que comme le chef spirituel légitime de la communauté musulmane. En 969, les Fatimides prirent le contrôle de l’Égypte et fondèrent Le Caire. À son apogée, le Califat fatimide s’étendait jusqu’à la Syrie et la Terre Sainte, mais dès le XIIème siècle il se mit à décliner jusqu’à sa chute en 1171. 

En cette même époque moderne, en Occident cette fois, le souvenir des croisades présent dans la mémoire collective est tout autre : ainsi, à la suite de l’attaque du 11 septembre, le Président américain George Bush qualifia-t-il de « croisade » sa campagne militaire nommée la « guerre contre la terreur » (« war on terror »). Il faisait ainsi écho aux propos d’Oussama ben Laden et à sa façon de décrire l’Occident, ce qui fut extrêmement controversé.

Le passé lointain des cottes de maille

L’ignorance de ce président en ce qui concerne la sensibilité culturelle dont ce terme est porteur dans le monde musulman peut, en partie, être attribuée au fait que, en Occident, les croisades sont perçues comme des évènements appartenant au passé lointain des cottes de mailles. Cependant, bien que les croisés fussent discrédités par les penseurs des Lumières, qui considéraient qu’ils se comportèrent en fanatiques crédules, la littérature et les arts du XIXème siècle les présentèrent sous un meilleur jour. Dans le cadre d’une présence occidentale accrue au Moyen-Orient, certains — les Français en particulier — choisirent de construire autour des croisades un récit à leur gloire. Le terme de « croisade » prit également un sens de plus en plus métaphorique, dénotant un combat pour une cause moralement juste.

Cette métaphore a bien servi dans des contextes militaires, tels que celui de la Première Guerre mondiale, ainsi que dans d’autres contextes sans aucun lien avec la religion. On peut donc parler d’une croisade contre la variole, par exemple, ou encore d’une croisade pour défendre une bonne éducation. Au Moyen-Orient, en revanche, ce terme renvoie à un souvenir et à une métaphore tous deux si profondément ancré dans la mémoire collective qu’ils ne peuvent être altérés.

Quelle est donc la place de Saladin dans tout cela ? En Occident, son statut a quelque chose de paradoxal. En sa qualité d’homme qui conquit Jérusalem, il fut immédiatement qualifié de fils du Diable, de signe annonciateur de l’Apocalypse, et d’ennemi juré de tous les chrétiens. Cependant, en remportant une telle victoire, il venait d’entrer dans l’Histoire en tant qu’objet d’estime collective. À l’inverse des croisés qui, lorsqu’ils prirent Jérusalem aux musulmans au cours de la Première Croisade en 1099, massacrèrent les habitants de la ville, Saladin choisit de les prendre en otage et de demander une rançon. La diplomatie joua un rôle crucial dans la Troisième Croisade et, peut-être à leur grande surprise, les Francs se rendirent compte que Saladin, ainsi que Saphadin, son premier négociateur et petit frère, étaient des hommes dont le comportement et les valeurs étaient dignes d’admiration — et, à de nombreux égards, dignes de figurer parmi leurs propres aspirations.

Cette époque est marquée par l’émergence de la chevalerie: ainsi les croisés admiraient-ils les hommes pieux, courtois envers les femmes, généreux, et qui cultivaient un intérêt pour la chasse, la poésie et la musique. Ils devaient également accepter le fait qu’ils avaient en face d’eux un ennemi qui, en prenant Jérusalem et en conservant son emprise sur celle-ci, les avait vaincus et leur avait ensuite résisté. C’était donc nécessairement là un ennemi à leur hauteur.

Saladin fut ainsi bientôt cité comme une référence en matière de générosité, et mentionné dans des guides de comportement chevaleresque.  Il fut présenté dans la littérature comme un homme courtisan galamment les femmes occidentales, comme un maître du déguisement qui pouvait visiter l’Europe incognito, et même comme s’étant converti au christianisme en secret. Tout cela n’a évidemment rien de vraisemblable, mais n’en est pas moins une preuve de la façon dont l’Occident parvint à intégrer ce grand personnage dans sa culture, ainsi que de la façon dont son image pouvait évoluer et perdurer.

FRESQUE REPRÉSENTANT L’ARRIVÉE DE SALADIN À JÉRUSALEM ET SON ACCUEIL PAR LES CHRÉTIENS.

Ainsi, Saladin est porteur d’une histoire compliquée qui ne relève pas du simple « clash des civilisations » et des oppositions binaires entre Orient et Occident, entre islam et christianisme, que ce clash suppose. Saladin s’opposa aux membres de sa communauté religieuse, sunnites comme chiites, ainsi qu’aux croisés francs. De temps en temps, les croisés établissaient des alliances avec les États musulmans, et dépensaient leur énergie dans des conflits entre eux plutôt que dans les seuls affrontements contre Saladin et ses successeurs.

Saladin occupe lui-même un juste milieu au caractère unique. Il est presque impossible de trouver un autre personnage qui occasionna une telle perte — Jérusalem — à tout un peuple et à sa religion — le christianisme —, et qui fut pourtant à ce point admiré par ce même peuple. L’itinéraire qu’a suivi son image au cours de son évolution est fascinant, mêlant fantaisie littéraire et faits historiques. Cependant, ce qui est bien plus important encore de nos jours est l’héritage qu’il a laissé au Moyen-Orient, où ses exploits passés ainsi que son caractère sont connus de tous, et où il continue d’être révéré en tant qu’objet d’admiration et d’espoir.

Zoom : vie et mort de Saladin

Salah ad-Din Yusuf ibn Ayyub naquit autour de 1137 à Takrit, une ville se trouvant à presque deux cents kilomètres au nord de Bagdad. Sa famille était composée de seigneurs de la guerre kurdes sous les ordres de Nûr ad-Din. Ce dernier était à la tête de ce qui constitue aujourd’hui le nord de l’Iraq et la Syrie, et fomenta le jihad musulman contre les Francs. Au fil du temps, Saladin se mit à défier l’autorité de Nûr ad-Din pour finalement l’usurper entièrement, créant ainsi un empire qui, depuis l’Égypte et le Yémen, s’étendait au nord vers Mossoul, Damas et Alep. Cette puissance lui permit de vaincre les Francs lors de la bataille de Hattin et de conquérir la quasi-totalité du royaume de Jérusalem, la ville sainte y compris. Saladin s’entoura d’un corps de conseillers et administrateurs de talent et de confiance, qui répandaient la nouvelle de ses succès jusqu’au Proche-Orient musulman, proclamant que sa victoire était un signe d’approbation divine, ainsi qu’un bienfait considérable pour l’islam. Libéré de l’aspect formel de la vie à la cour, Saladin était un amoureux de la chasse, ainsi qu’un expert en polo. À l’inverse de nombreux contemporains Européens, il enfanta garçon après garçon. On dit qu’il eut dix-sept fils, dont un bon nombre aurait été issu de son union avec certaines de ses concubines — bien que l’on sache que Saladin réservait à sa femme Ismat ad-Din une affection toute particulière, lui écrivant quotidiennement lors de la maladie grave qui le saisit dès 1185. Au cours des deux dernières années de sa vie, l’épuisement physique et mental causé par son opposition ininterrompue aux croisés, ainsi que par la gestion du gigantesque empire familial à la tête duquel il se trouvait, fut très difficile à supporter pour le sultan, qui souffrait de terribles maux d’estomac qui l’empêchaient parfois de se battre. Saladin était connu pour la modestie de son vêtement et de son comportement. Lorsqu’il mourut en 1193, son trésor était presque vide, tant sa générosité avait été grande — et l’on raconte qu’il fallut emprunter de l’argent pour acheter les briques qui devaient servir à entourer sa tombe.

Jonathan Phillips

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