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Réfugiés : les camps d’internement libyens ne constituent pas une solution

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Dans sa dernière tribune, le rabbin Gabriel Hagaï dénonce le manque d’humanité de l’attitude de l’Union européenne et de la France qui laissent les réfugiés mourir dans des camps de détention en Libye.  

Vouloir parquer en Libye les réfugiés (victimes de la guerre ou de la pauvreté) – plutôt que de les accueillir sur notre sol – est une décision inhumaine, indigne d’un pays européen. Pour ces réfugiés, les conditions de détention là-bas sont infernales. Comment peut-on même un seul moment envisager que les camps d’incarcération libyens soient une solution à leurs problèmes ? Car dans la bouche de nos politiciens, le « problème des migrants », n’est pas celui des réfugiés eux-mêmes, mais celui causé par leur venue chez nous. Drôle de manière de poser le problème pour un pays soi-disant défenseur des Droits de l’Homme. Qu’espèrent nos dirigeants politiques ? Que les réfugiés meurent à petit feu en Libye, loin de nos yeux ? Loin des projecteurs médiatiques et de la conscience populaire ? C’est intolérable ! Pour moi, les mouroirs libyens constituent encore une « solution finale » que l’Europe applique de manière récurrente à ses problèmes de population (protestants, juifs, tziganes, etc.).

Migrant et réfugié : une distinction injuste

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Le rabbin Gabriel Hagaï.

Le fait même de différencier entre « migrant » (c’est-à-dire réfugié victime de la pauvreté) et « réfugié » per se (c’est-à-dire réfugié victime de la guerre) montre la mauvaise foi de ceux qui nous gouvernent. Les premiers seraient de dangereux allochtones cupides menaçant notre identité et notre économie nationales, alors que les seconds pourraient être accueillis au compte-gouttes (surtout pas trop, pour ne pas se torpiller auprès de certains électeurs chauvins – alors que l’Europe a justement besoin de sang neuf pour renouveler sa population diminuante). En oubliant que cela n’a pas dérangé nos grands-pères d’aller piller, violer et massacrer dans les contrées d’origine de ces migrants (j’évoque ici le « glorieux » passé de la colonisation européenne).

En quoi le parcage des réfugiés dans des mouroirs en Libye règle-t-il le problème de leur pauvreté ? Où sont passées nos belles valeurs de fraternité et de justice ? En Europe, le sophisme est devenu un masque posé sur le visage de notre égoïsme

Par contre maintenant, cela nous dérangerait quand les pauvres ressortissants de nos ex-colonies viennent ici chercher un peu de ces richesses dont ils ont été spoliés. Dans la majorité de nos pays occidentaux, on a pris l’habitude (que j’estime démagogique) de confondre le concept d’un problème avec le problème lui-même, dans une belle contorsion sophiste. Cela permet de justifier l’injustifiable sans perdre la face. Pas assez de voix s’élèvent pour dénoncer cette supercherie.

Chômeurs, Roms et femmes voilées !

À l’image de la lutte contre le chômage, qui devient une lutte contre les chômeurs plutôt qu’une lutte pour créer des emplois (en relançant l’industrie et l’agriculture, par exemple – en légiférant contre la délinquance économico-financière ultra-libérale). Les chômeurs sont traités comme une quantité numérique (le concept des « chiffres du chômage » – à réduire impérativement), plutôt que comme des êtres humains en souffrance. Pour nos politiciens – rompus à la technocratie –, radier des listes de Pôle Emploi c’est lutter efficacement contre le chômage, vu que les chiffres reculent. En quoi cette attitude donne-t-elle du travail à nos sans-emplois ?

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Camp de réfugiés en Libye.

Idem vis-à-vis des Roms, dont les campements dérangent nos municipalités bien-pensantes. Afin de les éradiquer, on invoque le prétexte de l’insalubrité pour détruire ces camps et déloger les Roms (« pour leur bien », bien sûr), plutôt que d’améliorer leurs conditions in situ ou de leur proposer des logements. En quoi expulser quelqu’un d’où il s’est installé améliore-t-il ses conditions de vie ? Idem vis-à-vis du voile porté par les musulmanes (qualifié d’« islamique », comme si un tissu pouvait professer une religion !), dont la vue même dérange nos Gaulois de souche et remettrait en cause leur identité. Afin de supprimer autant que possible la présence de ce carré textile du sol hexagonal, dans une motivation bassement islamophobe, on noie le poisson sous des concepts fumeux en créant une loi républicaine interdisant les signes religieux ostentatoires (qui menaceraient notre sacro-sainte laïcité). Tout cela en se drapant dans un féminisme de façade – nourri d’un fantasme féru d’ignorance orgueilleuse et de paternalisme condescendant –, appelé à libérer les pauvres musulmanes de l’oppression des mâles de leur entourage. Toujours « pour leur bien », bien entendu. En quoi interdire son voile libère-t-il celle qui le porte ?

Ne pas confondre le concept d’une chose et la chose

René Magritte, le célèbre peintre surréaliste belge, nous avait averti avec son tableau « La trahison des images » (celui qui représente une pipe, avec cette légende en-dessous « Ceci n’est pas une pipe ») de ne pas confondre le concept d’une chose avec la chose elle-même. Or, c’est cette poudre de perlimpinpin raisonnementale qui permet à nos chers dirigeants d’affirmer résoudre la question des migrants en les empêchant d’arriver sur notre sol à tout prix, même au prix de leur liberté et de leur vie. En quoi le parcage des réfugiés dans des mouroirs en Libye règle-t-il le problème de leur pauvreté ?

Je suis indigné par notre manque d’humanité ! Ici en Europe, le sophisme est devenu un masque posé sur le visage de notre égoïsme. Où sont passées nos belles valeurs de fraternité et de justice ? Je préférerai toujours pécher par trop d’amour, trop de bonté et trop de compassion – à l’image de mon illustre prédécesseur et collègue Jésus de Nazareth –, plutôt que du contraire.

Gabriel Hagaï

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