Ecrivain et essayiste, Sofiane Meziani propose sur Mizane.info une lecture critique de la médiatisation des crimes de guerre israéliens commis à Gaza. Une guerre des mots à l’origine de tous les maux qui affectent les lectures tronquées de ce conflit.
Le sionisme est une politique fondée sur une supercherie, celui d’une « terre promise » avant l’Heure au « peuple Juif », qui contredit le dogme même du judaïsme comme l’a très justement souligné l’historien juif, professeur d’histoire à l’université de Tel Aviv, Shlomo Sand.
L’État d’Israël a donc été fondé sur un mensonge qui a coûté la vie à des centaines de milliers de victimes dont des Juifs. La communauté juive orthodoxe elle-même dénonce l’instrumentalisation sioniste de la religion de Moïse à des fins politiques. Le peuple palestinien, quant à lui, ne s’est jamais laissé intimidé par cette idéologie criminelle.
Malek Bennabi distinguait à juste titre colonisation et occupation. En effet, la Palestine est certes occupée physiquement mais n’a jamais été colonisée comme l’ont été les pays arabes en ce qu’elle est restée spirituellement hermétique à l’idéologie du colon.
En cela ses résistants sont de véritables témoins éveillés de la liberté qui offrent une leçon magistrale en la matière à ceux qui se croient illusoirement libres dans les sociétés dites libérales. Le peuple de Gaza est ainsi bien plus libre qu’on ne le croit, et ses martyrs sont des symboles vivants de la Justice.
En tant que croyant, il nous est permis de dire que nous avons plus besoin de leur prière qu’ils
n’ont besoin de notre aide : du point de vue de la foi, c’est à eux de prier sur nos cœurs sans
vie, car leurs morts demeurent spirituellement vivants aux yeux de l’Éternel Vivant.
L’attaque du 7 octobre lancée par la Résistance du Hamas a signé l’agonie du sionisme qui, contrairement à ce que laisse entendre la propagande pro-israélienne qui falsifie la réalité en occultant les pertes significatives du côté de la force d’occupation, est en train de s’effondrer.
Le piège est en train de se refermer sur lui et les Américains, à l’heure actuelle, craignent un retour de bâton violent à l’intérieur de l’entité sioniste. Toutes les contradictions inhérentes à l’idéologie sioniste s’apprêtent à exploser en plein jour.
La guerre des mots
Il nous incombe de mener la bataille sur le plan sémantique en prenant le temps de définir objectivement la réalité du problème. Il s’agit de se réapproprier un vocabulaire qui a été confisqué par la classe dominante afin d’exposer une vision du réel, un récit, qui remet radicalement en cause celle que tente d’imposer les médias de masse dans l’opinion publique. Il est regrettable que, de nos jours, la seule façon légitime de faire carrière dans le « journalisme » est de falsifier la réalité.
Notre principal acte de résistance à notre échelle est donc de décoloniser l’information en neutralisant la charge idéologique de la terminologie qui est principalement à l’œuvre dans cette guerre des mots et des images autour de la question palestinienne.
Il s’agit, plus clairement, de cesser de traiter le problème sur la base de l’information coloniale qui pullulent dans les médias de masse. Précisons donc le sens de deux notions, « terrorisme » et « résistance », et la manière dont elles doivent s’appliquer rigoureusement dans le traitement du problème qui nous préoccupe.
Le terrorisme est un concept particulièrement connoté et peut être défini comme l’usage de la violence ou de la menace de violence, surtout contre les civils, dans le but de créer un climat de peur à des fins politique, religieux ou idéologique. Le terme « terrorisme » a souvent été employé par certains États comme instrument de diabolisation et de disqualification de toute forme de résistance.
Quant au concept de « résistance », il se définit comme un ensemble d’actions entreprises par des individus pour s’opposer et lutter contre une autorité considérée comme oppressive. Elle peut prendre des formes très diverses : de la simple dissimulation d’informations à des actions de sabotage et des conflits armés. C’est une façon aussi d’affirmer son identité face à une tentative d’effacement ou de domination par une force extérieure contraignante.
La violence est-elle légitime ?
Se pose alors, philosophiquement, la question de la légitimité de la violence en cas de résistance à une oppression surtout lorsque cette dernière tente d’éradiquer l’identité d’une nation : la violence face à une telle oppression trouve-t-elle une justification morale, en particulier lorsque toutes les autres options ont été épuisées ou inapplicables ?
Les « producteurs de vérité » qui s’indignent faussement dans les médias sont-ils intellectuellement disposés à apporter une réponse pertinente à une telle interrogation qui a hanté l’esprit de bien des philosophes et qui est au cœur de la philosophie morale ?
Pour répondre à la question de la légitimité de la violence, rappelons que durant la Seconde Guerre mondiale, s’est formée une coalition d’individus divers qui se sont opposés à l’occupation allemande et au régime de Vichy qui collaborait avec les nazis en usant de différents modes d’action notamment le sabotage, les armes, les explosifs etc.
Cette coalition portait le nom de « Résistance française » et non pas, curieusement, de « terrorisme ». Notons aussi que ces opérations de résistance comportaient des risques inhérents non seulement pour les résistants eux-mêmes mais aussi pour la population civile.
En effet, les représailles allemandes suite à des actes de sabotage ou d’attaques de la Résistance étaient souvent brutales et disproportionnées, entraînant l’exécution de nombreux civils en guise de punition collective, un peu à l’image de ce qui se passe actuellement à Gaza. La guerre de l’ombre menée par la Résistance française impliquait inévitablement un certain niveau de danger pour les populations civiles mais leur action est-elle pour autant dépourvue de légitimité ?
Bien que la mort de civils innocents ne participe pas de l’éthique islamique qui anime le Hamas, notamment en tant de guerre, la légitimité morale de l’attaque du 7 octobre orchestrée par le Hamas peut-elle, au même titre que la Résistance française, trouver sa justification dans une stratégie globale de défense contre l’occupation criminelle d’Israël, en particulier lorsque tous les autres moyens ont échoué ? D’autant que le complexe de supériorité qui anime le colon israélien qui a bafoué et piétiné en toute impunité tous les droits humains ne tolère en réalité aucun accord de paix ou de « cesser le feu ».
Qui est qui ?
La Résistance française ne partage-t-elle pas des traits de ressemblance avec le Hamas qui lui
aussi s’applique à défendre, avec les mêmes risques, sa nation contre l’oppression israélienne ? Pourquoi l’un porte le nom de « terrorisme » et l’autre de « résistance » ?
Le sionisme et ses complices appliquent le concept de « terrorisme » à la résistance palestinienne tout en usant d’une logique de victimisation pour justifier le nettoyage ethnique de Gaza. L’honnêteté intellectuelle voudrait que l’on applique les concepts de « terrorisme » et « résistance » selon des critères objectifs indépendamment des humeurs idéologiques et des intérêts politiques qui animent un État, en l’occurrence Israël.
Compte tenu de tout cela, il apparaît clairement que le Hamas non seulement échappe fondamentalement à la catégorie coloniale d’« organisation terroriste » mais répond parfaitement à la définition du concept de « résistance ».
Appliquer le terme de terrorisme au Hamas constitue donc un contre-sens flagrant en ce que cette organisation s’inscrit avant tout dans une logique que le droit qualifie de « légitime défense » contre un oppresseur de longue date qui use d’une méthode à laquelle s’applique parfaitement le concept de « terrorisme ». Les faits et les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Il s’agit donc d’un mouvement de libération qui aspire à délivrer le peuple de Gaza de ce camp de concentration où le peuple subit l’un des pires crimes de l’humanité commis par l’État Israélien sous le silence complice des États arabes et occidentaux.
Définir, c’est dominer
Il faut donc déconstruire, par le pouvoir des mots, la fiction médiatique en faveur de l’État d’Israël, construite sur la base d’une manipulation des faits et des images et qui a ce terrible pouvoir, pour paraphraser Malcom X, d’inverser les rôles, en faisant passer le démon pour l’ange et l’ange pour le démon. Nommer, c’est reconstituer les faits dans le sens de la vérité.
Les mots ont un poids et ils ont le pouvoir, quand ils sont maniés avec intelligence, de faire exploser les idées mortelles qui menacent la cohésion sociale : ainsi, en cas de résistance, faire sauter les tanks de l’armée israélienne n’aurait que peu d’efficacité, si en parallèle, on ne traite pas le problème à la racine en détonant intellectuellement l’idéologie mortifère du sionisme qui fait mouvoir ces chars d’assauts.
Appliquer les concepts adéquats à une réalité est une façon de la maîtriser et ce fut la première arme dont fut dotée Adam « Et Dieu enseigna à Âdam le nom de chaque chose » (S.2 V.31) autrement dit, l’art de nommer la réalité qu’il s’apprête à transformer.
Définir, c’est dominer. Le point fort de l’impérialisme occidental c’est d’avoir défini les sociétés qu’il colonisait en leur appliquant des catégories anthropologiques « peuples primitifs », « sociétés archaïques » etc. En les définissant, le pouvoir colonial a créé les dispositions mentales de leur impuissance et a pu ainsi exercer son pouvoir hégémonique de domination. Et l’erreur des colonisés est d’avoir intégré ces concepts, autrement dit, ils se sont mis à se définir sur la base de ces catégories coloniales.
Ainsi, en se posant en objet d’étude coloniale, ils ont cessé d’être sujets de leur histoire. D’où l’intérêt de ne surtout pas minimiser l’importance du vocabulaire dans cette lutte qui est sur le point d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire qui, par la Grâce de Dieu, s’annonce positive.
Qui fabrique les monstres ?
Évidemment ce combat terminologique n’a pas sa place dans les plateaux télévisés, où le terrain est vicieusement miné et loin d’être favorable à toute réflexion critique et constructive, bien que cela aurait eu le mérite d’élever le débat dans la société, notamment par respect pour l’intelligence des Français, et d’apporter un éclairage précieux qui prémunirait notre pays contre l’émergence d’individus dangereux, lesquels, à force de consommer des informations toxiques dans les médias de masse, deviennent des monstres.
Le comble est que ces individus finissent par assouvir leur haine en prenant pour cible, en guise de représailles, nos chers collègues enseignants, lesquels s’évertuent par la force du savoir à neutraliser l’ignorance, source de violence, que cultivent sans cesse les médias mainstream. L’univers médiatique français est devenu une véritable usine à fabriquer ce type de monstre. Et ce sont paradoxalement les acteurs de l’éducation qui en paie le prix. Ceux qui sèment la terreur sont ceux-là même qui crient au loup.
Importer le conflit ou exporter des armes ?
Le monde entier est aujourd’hui témoin du nettoyage ethnique en cours sur les territoires occupés palestinien avec la complicité assumée de certains États arabes et occidentaux. Incapable de mener le combat au sol, selon le témoignage des résistants palestiniens, l’armée israélienne détourne l’attention en faisant une démonstration de « force » militaire sur des femmes et des enfants qu’elle bombarde aveuglément, sauvagement et sans répit.
Il ne faut pas importer le conflit, s’indignera-t-on en France avec toute l’hypocrisie que cela implique. Pourquoi ? Pour mieux exporter des armes militaires à l’État d’Israël ? En effet, l’importation du conflit israélo-palestinien constitue un véritable obstacle pour les alliés français de Netanyahu en ce qu’elle perturbe l’exportation juteuse d’armes dans l’entité sioniste. En d’autres termes, silence, on tue.
La France et le petit chaperon rouge…
La France traverse une véritable « crise d’autorité » politique sur le plan international sans compter que, ayant fondé son économie essentiellement sur la vente d’armes, l’étau se resserre sur elle au niveau économique, ce qui implique une baisse significative du niveau de vie des Français. L’histoire nous enseigne, fraîchement encore, que les dictatures trouvent racine dans la précarité économique du peuple dont elle va fixer les peurs et les angoisses sur un épouvantail qui aujourd’hui a l’allure de « l’islamisme ».
La pression qu’exerce l’État français sur les musulmans n’est, en effet, qu’une étape dans l’élaboration de sa politique de répression générale qui n’épargnera aucune voix dissonante. Hantée par la crise économique, la France est en train de créer les conditions d’un dressage politique de la société pour prévenir et tuer dans l’œuf les éventuelles mobilisations contestataires.
L’épisode des gilets jaunes en est une parfaite illustration. La guerre au terrorisme ou la chasse à l’islamisme ne constitue qu’un prétexte justifiant une dictature qui emprunte faussement la mielleuse voix de la démocratie pour tromper le peuple avant de l’écraser sous le poids de ses crocs salivant la soif de pouvoir et d’argent. N’est-ce pas pourtant sur les bancs de l’école républicaine que nous avons appris l’histoire du Petit chaperon rouge ?
Sofiane Meziani