Historien, juriste et exégète de l’époque ‘abbasside, Abû Ja’far At Tabari est l’auteur d’un volumineux commentaire du Coran (Jâmi’ Ul Bayân Fî Tafsîr I Qurân). Mizane.info reproduit quelques passages consacrés aux quatre noms du Coran et aux règles générales prévalant pour toute approche exégétique.
Abû Ja’far At_Tabari a dit : Allah, que Son Invocation soit exaltée a donné quatre noms à la Révélation qu’il fit descendre sur Son Prophète Muhammad — sur lui les Grâces et la Paix — : AL Qur’ân (d’où Coran) mentionné dans le verset suivant : — « Nous t’avons révélé [à toi Muhammad] ce Qur’ân… » (Cor. 12,3). AL Furqân (la Discrimination) mentionné dans le verset « Béni soit Celui qui fit descendre le Furqân sur son Serviteur » (Cor. 25,1). AL Kitâb (le Livre) : « Louange à Celui qui fit descendre le Livre (aLKitâb) sur Son Serviteur… » (Cor. 18,1). Adh-Dhikr (l’Invocation) mentionné dans le verset : « C’est Nous qui avons [progressivement] fait descendre l’Invocation (adh Dhikr) et c’est Nous qui en sommes les Préservateurs » [Cor. 15,9]
Chacun de ces quatre noms a une signification et un “ aspect” propre.
Signification du nom “ Qur’ân”
Avis de Ibn Abbâs
Les commentateurs divergent quant à son étymologie. Il est toutefois nécessaire de fonder celle-ci d’une part sur l’avis de Ibn Abbâs qui donne à ce mot le sens de “psalmodie” (tilâwa) et de “récitation” (qirâ’a) et d’autre part sur le fait (linguistique) que ce mot est un nom d’action (maçdâr) du verbe “qara’a” pris dans le sens de “réciter”2 de même que les mots ghufrân ou furqân sont des noms d’action des verbes “ ghafara” et “ faraqa”. En effet, [au sujet du verset « Lorsque Nous [Allâh] le récitons, suis son “qur’ân” » 75/18]
Ibn Abbâs a dit : « Lorsque Nous le récitons, c’est-à-dire, lorsque Nous le rendons évident, “suis son qur’ân”, c’est-à-dire mets-le en œuvre » Ibn Abbâs veut dire : « Lorsque Nous l’avons rendu évident par la récitation mets en œuvre ce que Nous t’avons ainsi rendu évident par cette récitation ».
Ce khabar de Ibn Abbâs est authentique : pour lui le sens du mot “qur’ân” est bien celui de récitation selon la dérivation que nous avons dite.
Avis de Qatâda
Mais si nous nous fondons sur l’avis de Qatâda il faudra considérer que ce mot est un maçdar du verbe “qara’a” mais pris, cette fois-ci, dans le sens de réunir, joindre une partie à une autre (…) En commentant le verset « En vérité, il Nous appartient de le réunir (ce Livre) et de faire son “qur’ân” ». Qatâda dit que ce verset signifie : « … Il Nous appartient de le préserver et de le composer » et dans le verset suivant : « Lorsque Nous le composons, suis son qur’ân” ». Suivre son “qur’ân” signifie suivre [sa composition] c’est-à-dire suivre ce qui y est déclaré licite et s’écarter de ce qui y est déclaré illicite [après que les versets sur ces questions eussent été “réunis”].
Conclusion de Tabari
Abû Ja far At_Tabarî a dit : chacun de ces deux avis, celui d’Ibn Abbâs et celui de Qatâda, ont un aspect exact du point de vue de la langue arabe sauf que l’avis de Ibn Abbâs est meilleur. Car Allâh a ordonné à Son Prophète maintes fois et dans de nombreux versets, de suivre ce qui lui était révélé sans jamais lui laisser entendre qu’il pouvait en laisser une partie jusqu’au moment où le passage dans lequel le verset devait être placé serait entièrement révélé.
[Réponse à une objection] :
Si quelqu’un nous demande : pourquoi le mot qur’ân a le Sens de “qirâ’a” “récitation” (c’est-à-dire “acte de réciter”) alors qu’en réalité il est récité (c’est lui qui est l’objet de la récitation) nous répondrons ceci : la chose récitée ou lue est appelée par le nom de l’acte de réciter ou lire, comme par ailleurs ü arrive en arabe de donner à la chose écrite, (le maktûb) le nom donné à l’acte d’écrire (kitâb).
Significations du nom Furqân
‘Ikrima… dit que le “ Furqân ” c’est le Salut (an_najâ). Ibn Abbâs… dit que le “Furqân” c’est l’“issue” (makhraj). A propos de l’expression coranique “Jour du Furqân” (8/41), Mujâhid dit que c’est le Jour ou Allâh “sépare” (farraqa) le Vrai du faux.
Bien que ces commentaires soient formulés avec des mots différents ils sont proches quant à leur sens : en effet, “l’issue”, ou la “sortie ” d’une situation est le “salut” par rapport à celle-ci. Or lorsque quelqu’un sort d’une difficulté périlleuse [où il eut à affronter des hommes injustes] c’est qu’il l’emporte sur eux et donc il met une distance entre lui et eux. [C’est-à-dire qu’il se “sépare” d’eux] (…)
Pour nous la racine de Furqân est “al farq”, la séparation entre deux choses et leur distinction. Le Coran a été nommé “Furqân” car il opère la discrimination entré le vrai et le faux par les arguments qu’il avance, par les “limites normatives” qu’il définit, par les “obligations” qu’il institue et par toutes les significations pro¬ fondes des sagesses qu’il contient. [Le Furqân est donc le nom du Coran en tant que Discrimination ou “Critère”]
Signification du nom Kitâb
Ce mot “kitâb” est le maçdar ou nom d’action du verbe “kataba” (écrire). Il signifie donc initialement le “fait d’écrire” bien qu’en réalité il soit appliqué à ce qui est écrit (maktûb) comme nous l’avons dit plus haut. [Le Kitâb est donc le nom du Coran en tant que Livre]
Signification du nom Dhikr
Le nom Dhikr appliqué au Coran comporte deux sens : celui de “rappel” (dhikr) que Dieu adresse à Ses serviteurs et par lequel II leur fait connaître Sa Législation. Le second sens est celui de “mention” (honorable), ennoblissement, sujet de fierté10, pour celui qui a foi en ce Livre et atteste la vérité de ce qu’il contient. Le mot dhikr a été utilisé en ce sens dans le verset suivant où Allâh dit à Son Prophète au sujet du Coran : « En vérité, il est un Dhikr pour toi et pour ton peuple… » (Cor. 43,44) c’est-à-dire un “ennoblissement” pour toi et pour ton peuple.
Explication des mots sûra et ‘âya
Le mot sûra [d’où sourate] est lu de deux façons: — “sûr” qui signifie le haut mur ou la muraille entourant une ville ; — “su’r” qui est la portion restante et privilégiée de toute chose dont une partie a été retirée (en référence à tout le reste du Coran, ndlr).
Le mot ‘âya (verset) a deux significations en arabe : “signe” et “récit”. — Un verset est appelé ‘âya car il constitue un “signe” complet se distinguant de ce qui précède. — Un verset est encore appelé ‘âya car il constitue un récit ou un fragment de récit.
Des aspects fondamentaux du commentaire du Coran
Des quatre aspects du commentaire. Allâh — que Son Invocation soit magnifiée a dit à Son Prophète : « Nous avons fait descendre l’Invocation [le Coran] vers toi pour que tu expliques clairement aux gens ce qui a été descendu vers eux ; peut-être réfléchiront-ils » (Cor. 16,44)
« Nous n’avons descendu le Livre sur toi que pour que tu leur expliques clairement ce en quoi ils se sont contredits et [afin que ce Livre soit] Guidance et Miséricorde pour un peuple croyant » (Cor. 16,64).
« [O Muhammad !] C’est Lui [Allâh] qui a fait descendre sur toi le Livre qui contient des versets “fixés” [aux commentaires évidents] constituant l’essentiel du Livre et d’autres qui sont “équivoques” [susceptibles d’interprétations ambiguës] ; quant à ceux qui ont une déviation dans le cœur, ils suivent ce qui en est “équivoque” par recherche de la subversion et par recherche de son “interprétation ” (ta’wîl). Or n’en connaît son “ interprétation ” qu’Allâh ; et ceux qui sont fermes en Science disent : “Nous y croyons ! Tout vient de chez notre Seigneur !”. [Mais] ne se remémorent que les hommes doués d’intelligence [intuitive] » (Cor. 3,7).
Le commentaire fondé sur les explications du Prophète
Le Coran contient des passages dont on ne peut saisir la signification que grâce aux explications de l’Envoyé d’Allâh : ce sont les passages où sont formulés les différents ordres divins, l’obligatoire, le recommandé et l’orientation spirituelle, ainsi que les divers interdits, les droits [d’Allâh et des créatures], les limites [à ne pas transgresser], la portée des obligations, les normes à respecter dans les relations humaines et tant d’autres statuts dont seul l’Envoyé peut nous expliquer la nature et la signification. Il n’est pas permis de parler de ces passages sans fonder ce que l’on en dit sur les explications et les éclaircissements que le Prophète lui-même a donnés sur ces questions1.
Les passages du Coran dont Allâh seul connaît le commentaire
Le Coran contient également des passages dont seul Allâh, l’Unique, possède la science : ce sont les passages qui concernent les époques à venir, les temps ultimes, l’Heure Dernière, le moment où l’on “soufflera dans le Cor” de la Fin des temps et où Issâ (Jésus) redescendra (du Ciel). Le Prophète lui-même ne pouvait pas dire à quel moment aura lieu tel ou tel événement de cet ordre car Allâh seul en a la science comme II le lui a dit dans ce verset : « Ils t’interrogent au sujet de l’Heure (dernière), quand surviendra-t-elle ? Dis : La science de l’Heure est auprès de mon Seigneur. Lui seul, la manifestera en son temps !… » (Cor. 7,187). La seule chose que le Prophète pouvait indiquer à ceux qui l’interrogeaient à ce sujet, c’était certaines des conditions dans lesquelles se produiront ces événements.
Les passages du Coran compréhensibles pour quiconque connaît la langue arabe
Le Coran contient également une partie compréhensible pour quiconque est versé dans la science de la langue arabe. Par exemple dans le verset « Lorsqu’il leur est dit de ne pas corrompre (lâ tufsidû) la Terre ils répondent : “Nous ne sommes que des conciliateurs ! (muçlihûn) ” (Cor. 2,11).
Les notions d’“ifsâd” (de corruption) et d’“içlâh” (réforme, amélioration) sont claires pour quiconque connaît la langue arabe même s’il ignore par ailleurs à quoi ‘Allâh veut les appliquer et il en est encore de même pour les autres notions premières attachées aux mots utilisés dans le Coran à moins que le Coran ou le Prophète n’aient utilisé un mot ou une expression dans un sens différent de son sens commun en arabe2 auquel cas il n’est pas permis de ne pas tenir compte de cette acceptation particulière.
Ibn Abbâs a dit à ce sujet : « Le commentaire du Coran (at_tafsîr) a quatre aspects : l’aspect connu par ceux qui ont la science de la langue arabe ; l’aspect qu’il n’est permis à personne d’ignorer ; l’aspect connu des seuls Savants et l’aspect que nul ne connaît hormis Allâh ». Le Prophète lui-même — sur lui les Grâces et la Paix d’Allâh — a dit : « Le Coran est descendu selon quatre aspects : le licite et l’illicite qu’il n’est permis à personne d’ignorer ; ce qui peut être expliqué par les Arabes ; ce qui peut l’être par des Savants et enfin les versets complexes (aux interprétations analogiques) que nul ne connaît hormis Allâh et, celui qui, en dehors de Lui, prétendrait en posséder la science serait un menteur ».
Caractère blâmable du commentaire selon le point de vue individuel
Le Prophète a d’ailleurs mis en garde contre des interprétations du Coran en fonction du point de vue individuel (ra’y). …Ibn Abbâs rapporte que le Prophète — sur lui les Grâces et la Paix — a dit : « Celui qui parle du Coran en fonction de son point de vue (individuel) qu’il se prépare un siège dans le Feu ». … Abû Bakr Aç Çiddîq — qu’Allâh soit satisfait de lui — a dit : « Quelle terre me portera et quel ciel m’abritera si, à propos du Coran, je dis des choses que j’ignore ?».
Ces données traditionnelles confirment ce que nous disions à savoir qu’il n’est permis à personne d’interpréter selon son propre point de vue (individuel) les versets coraniques dont l’interprétation (véritable) ne peut être connue que grâce aux explications du Prophète lui-même.
Celui qui donnerait de telles interprétations serait dans l’erreur quand bien même ce qu’il dirait serait juste en soi, car dans ce cas la justesse de son interprétation serait le résultat accidentel de la conjecture et de la supposition au lieu d’être fondée sur une certitude et une science véritable.
Dans ce cas, il parlerait de la “ Religion” d’Allâh (Dîn Allâh) par conjecture et dirait à propos d’Allâh des choses qu’en réalité il ne connaît pas, ce qu’Allâh a interdit à Ses serviteurs : (O Muhammad) « Dis : Mon Seigneur n’a interdit que les turpitudes, ce qui en apparaît et ce qui en est caché, le crime, la violence injuste, le fait d’associer à Allâh ce qu’Allâh n’a accompagné d’aucune autorité et [enfin] de dire au sujet d’Allâh ce que l’on ne connaît pas » (Cor. 7,33).
Ibn Mas’ûd a dit : « Lorsque l’un d’entre nous avait appris une dizaine de versets il n’allait pas plus loin tant qu’il n’en connaissait pas les significations et ne les avait pas mises en œuvre ».
Abû Abd Ar_Rahmân a dit : « Ceux qui nous ont enseigné la récitation du Coran nous disaient qu’ils demandaient au Prophète de le leur réciter et chaque fois qu’ils avaient appris une dizaine de versets ils mettaient d’abord en pratique les enseignements qui s’y trouvent avant de continuer d’apprendre. Ainsi, disaient-ils, nous apprenions à la fois le Coran et sa mise en œuvre ». …
Ibn Mas’ûd a dit : « Par Celui qui est l’Unique Divinité, aucun verset du Livre d’Allâh n’a été descendu sans que je sache à quel sujet et où il a été descendu. Et si je savais qu’en un lieu éloigné, il y a quelqu’un de plus savant que moi au sujet du Livre d’Allâh, je me rendrais sans faute chez lui même s’il fallait chevaucher longtemps ». …
Chaqîq ibn Salma a dit : « Lors du Pèlerinage…, Ibn Abbâs récitait la sourate de « la Lumière » devant les pèlerins puis il en faisait le commentaire ». …et il a dit encore : « Ibn Abbâs récita un jour la sourate de « la Génisse » puis la commenta de telle façon que quelqu’un parmi l’assistance dit : si un prince chrétien avait entendu ce commentaire il serait entré en Islâm ». …
Sacîd ibn Jubayr a dit : « Celui qui récite le Coran et n’en fait aucun commentaire est comme un aveugle ou un bédouin ! ».
Allâh, Puissant et Majestueux, Lui-même, a incité Ses serviteurs à pénétrer la signification des versets coraniques lorsqu’il a dit à Son Prophète — sur lui les Grâces et la Paix — : « [Voici] un Livre béni que Nous avons fait descendre vers toi pour que les gens méditent les versets et que ceux qui sont doués d’intelligence en tirent une édification » (Cor. 38, 29). « Nous proposons dans ce Coran toutes sortes de paraboles aux hommes peut-être en tireront-ils une édification » (Cor. 39,27).
Or si les serviteurs doivent méditer les versets et en tirer une édification cela implique qu’ils doivent les comprendre. Or, pour les comprendre il faut connaître les commentaires ainsi que la langue dans laquelle le Coran a été formulé ; ces versets impliquent une incitation, sinon un ordre, à étudier le “ta’wîl” d’une part et la langue arabe d’autre part, car Allâh ne peut pas ordonner à Son serviteur de méditer ou de mettre en pratique un ordre qu’il n’aurait pas compris.
On voit par-là combien est erronée l’opinion de ceux qui prétendent que la connaissance des commentaires serait superflue et cela d’autant plus qu’une partie du Coran ne peut être comprise que grâce aux commentaires que le Prophète a lui-même donnés à ses Compagnons d’après la science qui lui venait “ d’auprès ” d’Allâh par l’intermédiaire de l’Ange Gabriel (…). Il y a ainsi dans les versets coraniques des sagesses que nul ne pourrait connaître sans ces explications et que le Prophète lui-même n’aurait pu connaître sans l’enseignement divin qu’il reçut.
Quant aux versets coraniques dont Allâh s’est “réservé” la science, aucun Ange et aucun Envoyé n’en connaît l’interprétation qui reste l’apanage divin : ainsi, par exemple, au sujet des versets concernant l’Heure dernière, Allâh seul sait quand elle surviendra.
Texte traduit par Pierre Godé.
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Tabari : règles pour une exégèse du Coran
Historien, juriste et exégète de l’époque ‘abbasside, Abû Ja’far At Tabari est l’auteur d’un volumineux commentaire du Coran (Jâmi’ Ul Bayân Fî Tafsîr I Qurân). Mizane.info reproduit quelques passages consacrés aux quatre noms du Coran et aux règles générales prévalant pour toute approche exégétique.
Abû Ja’far At_Tabari a dit : Allah, que Son Invocation soit exaltée a donné quatre noms à la Révélation qu’il fit descendre sur Son Prophète Muhammad — sur lui les Grâces et la Paix — : AL Qur’ân (d’où Coran) mentionné dans le verset suivant : — « Nous t’avons révélé [à toi Muhammad] ce Qur’ân… » (Cor. 12,3). AL Furqân (la Discrimination) mentionné dans le verset « Béni soit Celui qui fit descendre le Furqân sur son Serviteur » (Cor. 25,1). AL Kitâb (le Livre) : « Louange à Celui qui fit descendre le Livre (aLKitâb) sur Son Serviteur… » (Cor. 18,1). Adh-Dhikr (l’Invocation) mentionné dans le verset : « C’est Nous qui avons [progressivement] fait descendre l’Invocation (adh Dhikr) et c’est Nous qui en sommes les Préservateurs » [Cor. 15,9]
Chacun de ces quatre noms a une signification et un “ aspect” propre.
Signification du nom “ Qur’ân”
Avis de Ibn Abbâs
Les commentateurs divergent quant à son étymologie. Il est toutefois nécessaire de fonder celle-ci d’une part sur l’avis de Ibn Abbâs qui donne à ce mot le sens de “psalmodie” (tilâwa) et de “récitation” (qirâ’a) et d’autre part sur le fait (linguistique) que ce mot est un nom d’action (maçdâr) du verbe “qara’a” pris dans le sens de “réciter”2 de même que les mots ghufrân ou furqân sont des noms d’action des verbes “ ghafara” et “ faraqa”. En effet, [au sujet du verset « Lorsque Nous [Allâh] le récitons, suis son “qur’ân” » 75/18]
Ibn Abbâs a dit : « Lorsque Nous le récitons, c’est-à-dire, lorsque Nous le rendons évident, “suis son qur’ân”, c’est-à-dire mets-le en œuvre » Ibn Abbâs veut dire : « Lorsque Nous l’avons rendu évident par la récitation mets en œuvre ce que Nous t’avons ainsi rendu évident par cette récitation ».
Ce khabar de Ibn Abbâs est authentique : pour lui le sens du mot “qur’ân” est bien celui de récitation selon la dérivation que nous avons dite.
Avis de Qatâda
Mais si nous nous fondons sur l’avis de Qatâda il faudra considérer que ce mot est un maçdar du verbe “qara’a” mais pris, cette fois-ci, dans le sens de réunir, joindre une partie à une autre (…) En commentant le verset « En vérité, il Nous appartient de le réunir (ce Livre) et de faire son “qur’ân” ». Qatâda dit que ce verset signifie : « … Il Nous appartient de le préserver et de le composer » et dans le verset suivant : « Lorsque Nous le composons, suis son qur’ân” ». Suivre son “qur’ân” signifie suivre [sa composition] c’est-à-dire suivre ce qui y est déclaré licite et s’écarter de ce qui y est déclaré illicite [après que les versets sur ces questions eussent été “réunis”].
Conclusion de Tabari
Abû Ja far At_Tabarî a dit : chacun de ces deux avis, celui d’Ibn Abbâs et celui de Qatâda, ont un aspect exact du point de vue de la langue arabe sauf que l’avis de Ibn Abbâs est meilleur. Car Allâh a ordonné à Son Prophète maintes fois et dans de nombreux versets, de suivre ce qui lui était révélé sans jamais lui laisser entendre qu’il pouvait en laisser une partie jusqu’au moment où le passage dans lequel le verset devait être placé serait entièrement révélé.
[Réponse à une objection] :
Si quelqu’un nous demande : pourquoi le mot qur’ân a le Sens de “qirâ’a” “récitation” (c’est-à-dire “acte de réciter”) alors qu’en réalité il est récité (c’est lui qui est l’objet de la récitation) nous répondrons ceci : la chose récitée ou lue est appelée par le nom de l’acte de réciter ou lire, comme par ailleurs ü arrive en arabe de donner à la chose écrite, (le maktûb) le nom donné à l’acte d’écrire (kitâb).
Significations du nom Furqân
‘Ikrima… dit que le “ Furqân ” c’est le Salut (an_najâ). Ibn Abbâs… dit que le “Furqân” c’est l’“issue” (makhraj). A propos de l’expression coranique “Jour du Furqân” (8/41), Mujâhid dit que c’est le Jour ou Allâh “sépare” (farraqa) le Vrai du faux.
Bien que ces commentaires soient formulés avec des mots différents ils sont proches quant à leur sens : en effet, “l’issue”, ou la “sortie ” d’une situation est le “salut” par rapport à celle-ci. Or lorsque quelqu’un sort d’une difficulté périlleuse [où il eut à affronter des hommes injustes] c’est qu’il l’emporte sur eux et donc il met une distance entre lui et eux. [C’est-à-dire qu’il se “sépare” d’eux] (…)
Pour nous la racine de Furqân est “al farq”, la séparation entre deux choses et leur distinction. Le Coran a été nommé “Furqân” car il opère la discrimination entré le vrai et le faux par les arguments qu’il avance, par les “limites normatives” qu’il définit, par les “obligations” qu’il institue et par toutes les significations pro¬ fondes des sagesses qu’il contient. [Le Furqân est donc le nom du Coran en tant que Discrimination ou “Critère”]
Signification du nom Kitâb
Ce mot “kitâb” est le maçdar ou nom d’action du verbe “kataba” (écrire). Il signifie donc initialement le “fait d’écrire” bien qu’en réalité il soit appliqué à ce qui est écrit (maktûb) comme nous l’avons dit plus haut. [Le Kitâb est donc le nom du Coran en tant que Livre]
Signification du nom Dhikr
Le nom Dhikr appliqué au Coran comporte deux sens : celui de “rappel” (dhikr) que Dieu adresse à Ses serviteurs et par lequel II leur fait connaître Sa Législation. Le second sens est celui de “mention” (honorable), ennoblissement, sujet de fierté10, pour celui qui a foi en ce Livre et atteste la vérité de ce qu’il contient. Le mot dhikr a été utilisé en ce sens dans le verset suivant où Allâh dit à Son Prophète au sujet du Coran : « En vérité, il est un Dhikr pour toi et pour ton peuple… » (Cor. 43,44) c’est-à-dire un “ennoblissement” pour toi et pour ton peuple.
Explication des mots sûra et ‘âya
Le mot sûra [d’où sourate] est lu de deux façons: — “sûr” qui signifie le haut mur ou la muraille entourant une ville ; — “su’r” qui est la portion restante et privilégiée de toute chose dont une partie a été retirée (en référence à tout le reste du Coran, ndlr).
Le mot ‘âya (verset) a deux significations en arabe : “signe” et “récit”. — Un verset est appelé ‘âya car il constitue un “signe” complet se distinguant de ce qui précède. — Un verset est encore appelé ‘âya car il constitue un récit ou un fragment de récit.
Des aspects fondamentaux du commentaire du Coran
Des quatre aspects du commentaire. Allâh — que Son Invocation soit magnifiée a dit à Son Prophète : « Nous avons fait descendre l’Invocation [le Coran] vers toi pour que tu expliques clairement aux gens ce qui a été descendu vers eux ; peut-être réfléchiront-ils » (Cor. 16,44)
« Nous n’avons descendu le Livre sur toi que pour que tu leur expliques clairement ce en quoi ils se sont contredits et [afin que ce Livre soit] Guidance et Miséricorde pour un peuple croyant » (Cor. 16,64).
« [O Muhammad !] C’est Lui [Allâh] qui a fait descendre sur toi le Livre qui contient des versets “fixés” [aux commentaires évidents] constituant l’essentiel du Livre et d’autres qui sont “équivoques” [susceptibles d’interprétations ambiguës] ; quant à ceux qui ont une déviation dans le cœur, ils suivent ce qui en est “équivoque” par recherche de la subversion et par recherche de son “interprétation ” (ta’wîl). Or n’en connaît son “ interprétation ” qu’Allâh ; et ceux qui sont fermes en Science disent : “Nous y croyons ! Tout vient de chez notre Seigneur !”. [Mais] ne se remémorent que les hommes doués d’intelligence [intuitive] » (Cor. 3,7).
Le commentaire fondé sur les explications du Prophète
Le Coran contient des passages dont on ne peut saisir la signification que grâce aux explications de l’Envoyé d’Allâh : ce sont les passages où sont formulés les différents ordres divins, l’obligatoire, le recommandé et l’orientation spirituelle, ainsi que les divers interdits, les droits [d’Allâh et des créatures], les limites [à ne pas transgresser], la portée des obligations, les normes à respecter dans les relations humaines et tant d’autres statuts dont seul l’Envoyé peut nous expliquer la nature et la signification. Il n’est pas permis de parler de ces passages sans fonder ce que l’on en dit sur les explications et les éclaircissements que le Prophète lui-même a donnés sur ces questions1.
Les passages du Coran dont Allâh seul connaît le commentaire
Le Coran contient également des passages dont seul Allâh, l’Unique, possède la science : ce sont les passages qui concernent les époques à venir, les temps ultimes, l’Heure Dernière, le moment où l’on “soufflera dans le Cor” de la Fin des temps et où Issâ (Jésus) redescendra (du Ciel). Le Prophète lui-même ne pouvait pas dire à quel moment aura lieu tel ou tel événement de cet ordre car Allâh seul en a la science comme II le lui a dit dans ce verset : « Ils t’interrogent au sujet de l’Heure (dernière), quand surviendra-t-elle ? Dis : La science de l’Heure est auprès de mon Seigneur. Lui seul, la manifestera en son temps !… » (Cor. 7,187). La seule chose que le Prophète pouvait indiquer à ceux qui l’interrogeaient à ce sujet, c’était certaines des conditions dans lesquelles se produiront ces événements.
Les passages du Coran compréhensibles pour quiconque connaît la langue arabe
Le Coran contient également une partie compréhensible pour quiconque est versé dans la science de la langue arabe. Par exemple dans le verset « Lorsqu’il leur est dit de ne pas corrompre (lâ tufsidû) la Terre ils répondent : “Nous ne sommes que des conciliateurs ! (muçlihûn) ” (Cor. 2,11).
Les notions d’“ifsâd” (de corruption) et d’“içlâh” (réforme, amélioration) sont claires pour quiconque connaît la langue arabe même s’il ignore par ailleurs à quoi ‘Allâh veut les appliquer et il en est encore de même pour les autres notions premières attachées aux mots utilisés dans le Coran à moins que le Coran ou le Prophète n’aient utilisé un mot ou une expression dans un sens différent de son sens commun en arabe2 auquel cas il n’est pas permis de ne pas tenir compte de cette acceptation particulière.
Ibn Abbâs a dit à ce sujet : « Le commentaire du Coran (at_tafsîr) a quatre aspects : l’aspect connu par ceux qui ont la science de la langue arabe ; l’aspect qu’il n’est permis à personne d’ignorer ; l’aspect connu des seuls Savants et l’aspect que nul ne connaît hormis Allâh ». Le Prophète lui-même — sur lui les Grâces et la Paix d’Allâh — a dit : « Le Coran est descendu selon quatre aspects : le licite et l’illicite qu’il n’est permis à personne d’ignorer ; ce qui peut être expliqué par les Arabes ; ce qui peut l’être par des Savants et enfin les versets complexes (aux interprétations analogiques) que nul ne connaît hormis Allâh et, celui qui, en dehors de Lui, prétendrait en posséder la science serait un menteur ».
Caractère blâmable du commentaire selon le point de vue individuel
Le Prophète a d’ailleurs mis en garde contre des interprétations du Coran en fonction du point de vue individuel (ra’y). …Ibn Abbâs rapporte que le Prophète — sur lui les Grâces et la Paix — a dit : « Celui qui parle du Coran en fonction de son point de vue (individuel) qu’il se prépare un siège dans le Feu ». … Abû Bakr Aç Çiddîq — qu’Allâh soit satisfait de lui — a dit : « Quelle terre me portera et quel ciel m’abritera si, à propos du Coran, je dis des choses que j’ignore ?».
Ces données traditionnelles confirment ce que nous disions à savoir qu’il n’est permis à personne d’interpréter selon son propre point de vue (individuel) les versets coraniques dont l’interprétation (véritable) ne peut être connue que grâce aux explications du Prophète lui-même.
Celui qui donnerait de telles interprétations serait dans l’erreur quand bien même ce qu’il dirait serait juste en soi, car dans ce cas la justesse de son interprétation serait le résultat accidentel de la conjecture et de la supposition au lieu d’être fondée sur une certitude et une science véritable.
Dans ce cas, il parlerait de la “ Religion” d’Allâh (Dîn Allâh) par conjecture et dirait à propos d’Allâh des choses qu’en réalité il ne connaît pas, ce qu’Allâh a interdit à Ses serviteurs : (O Muhammad) « Dis : Mon Seigneur n’a interdit que les turpitudes, ce qui en apparaît et ce qui en est caché, le crime, la violence injuste, le fait d’associer à Allâh ce qu’Allâh n’a accompagné d’aucune autorité et [enfin] de dire au sujet d’Allâh ce que l’on ne connaît pas » (Cor. 7,33).
Ibn Mas’ûd a dit : « Lorsque l’un d’entre nous avait appris une dizaine de versets il n’allait pas plus loin tant qu’il n’en connaissait pas les significations et ne les avait pas mises en œuvre ».
Abû Abd Ar_Rahmân a dit : « Ceux qui nous ont enseigné la récitation du Coran nous disaient qu’ils demandaient au Prophète de le leur réciter et chaque fois qu’ils avaient appris une dizaine de versets ils mettaient d’abord en pratique les enseignements qui s’y trouvent avant de continuer d’apprendre. Ainsi, disaient-ils, nous apprenions à la fois le Coran et sa mise en œuvre ». …
Ibn Mas’ûd a dit : « Par Celui qui est l’Unique Divinité, aucun verset du Livre d’Allâh n’a été descendu sans que je sache à quel sujet et où il a été descendu. Et si je savais qu’en un lieu éloigné, il y a quelqu’un de plus savant que moi au sujet du Livre d’Allâh, je me rendrais sans faute chez lui même s’il fallait chevaucher longtemps ». …
Chaqîq ibn Salma a dit : « Lors du Pèlerinage…, Ibn Abbâs récitait la sourate de « la Lumière » devant les pèlerins puis il en faisait le commentaire ». …et il a dit encore : « Ibn Abbâs récita un jour la sourate de « la Génisse » puis la commenta de telle façon que quelqu’un parmi l’assistance dit : si un prince chrétien avait entendu ce commentaire il serait entré en Islâm ». …
Sacîd ibn Jubayr a dit : « Celui qui récite le Coran et n’en fait aucun commentaire est comme un aveugle ou un bédouin ! ».
Allâh, Puissant et Majestueux, Lui-même, a incité Ses serviteurs à pénétrer la signification des versets coraniques lorsqu’il a dit à Son Prophète — sur lui les Grâces et la Paix — : « [Voici] un Livre béni que Nous avons fait descendre vers toi pour que les gens méditent les versets et que ceux qui sont doués d’intelligence en tirent une édification » (Cor. 38, 29). « Nous proposons dans ce Coran toutes sortes de paraboles aux hommes peut-être en tireront-ils une édification » (Cor. 39,27).
Or si les serviteurs doivent méditer les versets et en tirer une édification cela implique qu’ils doivent les comprendre. Or, pour les comprendre il faut connaître les commentaires ainsi que la langue dans laquelle le Coran a été formulé ; ces versets impliquent une incitation, sinon un ordre, à étudier le “ta’wîl” d’une part et la langue arabe d’autre part, car Allâh ne peut pas ordonner à Son serviteur de méditer ou de mettre en pratique un ordre qu’il n’aurait pas compris.
On voit par-là combien est erronée l’opinion de ceux qui prétendent que la connaissance des commentaires serait superflue et cela d’autant plus qu’une partie du Coran ne peut être comprise que grâce aux commentaires que le Prophète a lui-même donnés à ses Compagnons d’après la science qui lui venait “ d’auprès ” d’Allâh par l’intermédiaire de l’Ange Gabriel (…). Il y a ainsi dans les versets coraniques des sagesses que nul ne pourrait connaître sans ces explications et que le Prophète lui-même n’aurait pu connaître sans l’enseignement divin qu’il reçut.
Quant aux versets coraniques dont Allâh s’est “réservé” la science, aucun Ange et aucun Envoyé n’en connaît l’interprétation qui reste l’apanage divin : ainsi, par exemple, au sujet des versets concernant l’Heure dernière, Allâh seul sait quand elle surviendra.
Texte traduit par Pierre Godé.
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