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Tahar ibn ‘Achour : la pluralité des lectures du Coran 1/2

Tahar ibn 'Achour : la divergence des lectures du Coran 1/2 Mizane.info

Mizane.info publie en deux parties la traduction de la sixième introduction du tafsir « tahrir wa al-tanwir » du savant et maître Tahar Ibn ‘Achour à propos des différentes lectures du Coran. Une traduction introduite et signée Nordine Aissou.

Le processus de fixation du texte coranique est une question qui a depuis près de deux siècles maintenant, suscité l’intérêt des chercheurs. Lors de ces dernières décennies, plusieurs d’entre eux se sont penchés sur la question de la transmission du Coran et de la canonisation de ses variantes en examinant les récits de la tradition ou à travers l’étude des codex. À notre échelle, et dans l’optique d’en savoir davantage à ce sujet, nous proposons la traduction d’une section de l’œuvre de Tahar Ibn ‘Achour, intitulé « taḥrīr wa tanwīr ». Fin connaisseur de la tradition musulmane, il a consacré 39 années de sa vie à l’exégèse du livre fondateur de l’islam.

Rappelons que l’auteur est un spécialiste de la langue arabe, une autorité en matière d’exégèse et autres disciplines. L’auteur avant d’entamer son œuvre a écrit dix chapitres faisant office d’introduction. C’est la sixième qui aborde les qirāʾāt(lectures). Les diverses interprétations que proposent l’auteur sur le sujet, comme nous pouvons le lire, en dénotent la difficulté.

Notre objectif se résume à une tentative de compréhension pure et simple d’une question à la fois épineuse qui a animé, tant la réflexion des traditionnistes que celle des historiens modernes. Néanmoins, il ressort de ce constat qu’adopter une méthode littéraliste, au vu de la diversité des lectures, est une posture fragile. Nordine Aissou.

Traduction de la sixième introduction du savant et maître Tahar Ibn ‘Achour :

Au sujet des lectures (qirāʾāt) :

Si ce n’était l’attention portée par les exégètes à la divergence de lecture concernant les termes du Coran, mais aussi à la manière de les prononcer, je me serais abstenu de traiter ce sujet. Car la science des lectures (ʿilm al-qirāʾāt) est une science prestigieuse, indépendante qui a spécifiquement fait l’objet d’ouvrages et de compilations. Ses auteurs ont épuisé le sujet et se sont étalés sur la question de sorte qu’il n’y a rien à ajouter. Cependant je me suis vu dans l’obligation de vous écrire quelques lignes sur ce sujet afin qu’à travers elles, vous soyez informé de la force du lien qu’il y a entre les diverses lectures et l’exégèse. Par ailleurs, vous connaitrez le niveau de force et de faiblesse des lectures, afin que vous ne soyez point surpris de ma réticence à faire mention de toutes ces lectures lors de l’exégèse.

Je pense qu’il y a deux types de lectures :

Une, n’est aucunement liée à l’exégèse, et une autre a un lien avec l’exégèse sous divers angles. Quant au premier type de lecture, elle concerne la divergence des lecteurs (qurrā) ayant trait aux diverses prononciations des lettres (ḥuruf) et flexions (ḥarakat), telles que la durée d’allongement (al-madd),
l’inclination (imālāt), l’allégement (taẖfīf), la facilitation (tashīl), la confirmation (taḥqīq), la prononciation à haute voix (al-ǧahr), la prononciation à peine audible (al-hams) et le nasillement (al- ġunna). À titre d’exemple, la dernière lettre du terme « ‘adzābi» est muette (sākin), elle finit par « i », mais la désinence casuelle « a » (ʿaḏābia) est possible, même chose pour les diverses facettes grammaticales des versets : ḥatta yaqūla rasūl ou yaqūlu, et  bayʿun fīhi walā ẖullatun wa-lā šafāʿatun, ces trois noms peuvent aussi être déclinés par une fatḥa : bayʿan, ẖullatan, šafāʿatan), il est aussi possible que certains de ces noms soient marqués par un fatḥa (a) et d’autres par un ḍamma « u ».

Au regard de cela, nous disons que ses lectures (qirāʾāt) ont donné aux Arabes un intérêt, à savoir la préservation de leur langue, chose qu’autre élément n’a pu réaliser. Cet intérêt se traduit par une fixation des différentes manières de prononcer les lettres, tant en ce qui concerne leurs phonèmes que leurs caractéristiques respectives. D’autre part, il y a la diversité des dialectes en usage qu’ont réceptionné les lecteurs du Coran auprès des compagnons du Prophète, via des chaines de transmission valides.

C’est un objectif très important mais qui n’a pas de rapport avec l’exégèse du fait qu’il n’a pas d’impact sur les divers sens des versets, et il n’y a pas à ma connaissance quelqu’un qui, en ce qui concerne la science des lectures, y vit sous cet angle, une place pour l’exégèse. Nous pouvons aussi dire qu’il y a au sein de ce savoir une large part à la démonstration des divers accords grammaticaux. Elles (qirāʾāt) sont donc à ce titre une matière riche, pour les savoirs de la langue arabe.

Lorsque les maîtres de la langue arabe récitèrent le Coran, ils le récitèrent selon les idiomes arabes en vogue à leurs époques, dans les grandes villes. Là où les compilations sous forme de feuillets (ṣuḥuf) furent envoyées : Médine, la Mecque, Kufa, Basra, le Cham (Syrie, Palestine, la Jordanie, Liban), et il a été dit le Yémen et le Bahrein. Des lecteurs parmi les compagnons y résidaient. Avant que ne leur soit remis le muṣḥaf de ʿUṯmāne, chaque groupe lut le Coran selon l’arabe (idiome) de sa tribu : avec ses propres modalités de prononciation, sans ajout de lettres ou suppression, sans la divergence des accords grammaticaux, et sans contradiction avec la consignation de ʿUṯmāne. Il est aussi possible qu’un seul lecteur lut de deux manières, afin de démontrer que les deux sont valides du point de vue de la langue arabe. Cela, dans une perspective de protection de la langue arabe ainsi que du Coran qui fut révélé en celle-ci.

Raison pour laquelle, il est possible qu’une grande partie de la divergence des lecteurs, soit à cet égard, une affaire de choix (iḥtiyār), c’est ainsi qu’il faut entendre ce que relèvent les deux ouvrages de Zamaḥšari et d’Ibn al-ʿArabī, lorsqu’ils critiquent les voies de transmission des lecteurs, même si ces critiques peuvent faire l’objet d’un examen (naẓar). L’imam Mālik – que la miséricorde le couvre- a certes réprouvé la lecture avec atténuation (imāla) alors qu’elle est attestée par les lecteurs. Elle est d’ailleurs rapportée par le lecteur de Médine Nāfiʿ selon la version de Warš et les Égyptiens se sont singularisés par cette lecture. La réprobation de Mālik serait dû au fait que le lecteur a lu de cette manière, par choix personnel.

L’exégèse de la sourate Šuʿarā (les Poètes), établie par l’imam al-Qurtubi, citant Abū Isḥāq Zaǧǧāǧ, mentionne, d’après lui, qu’il est permis de lire les premières lettres, Ṭā Sīn Mīm, en déclinant le Nūn par un fatḥa, et en concluant le second Mīm par un ḍamma : Ṭā Sīna Mīmu, comme il est permis de dire 
haḏā maʿdi yakrib…, tout en sachant que personne n’a lu (ces lettres) de la sorte. J’affirme qu’il n’y a aucun mal en cela tant que les termes du Coran ainsi que ses phrases conservent l’écriture (le ductus consonantique) du muṣḥaf (de ʿUṯmāne) sur lequel les compagnons du messager de Dieu ont établi un consensus, excepté une petite partie d’entre eux qui ont fait preuve de marginalité, tel que le compagnon ʿAbdallah Ibn Masʿūd. Et lorsque ‘Uṯmāne ordonna de mettre par écrit le Coran établi selon la récitation du Prophète, elle-même attestée par les scribes de la consignation (muṣḥaf), il voulait inciter les gens à l’adopter afin qu’ils délaissent les lectures non conformes à cette dernière.

Il réunit donc l’ensemble des consignations divergentes, les brûla, et la majorité des compagnons fut d’accord avec lui. Šams al-Dīn al-Aṣfahānī dit dans la cinquième introduction de son exégèse : « Alī, tout au long de sa vie, lu le muṣḥaf de ‘Uṯmāne et le prit pour guide. J’affirme aussi que l’acte de ‘Uṯmāne n’est qu’un parachèvement de l’œuvre d’Abū Bakr qui réunit le Coran alors récité durant la vie du Prophète, ‘Uṯmāne le transcrit dans des consignations afin de les faire parvenir aux grandes villes.

Le muṣḥaf alors écrit à l’attention de ‘Uṯmāne, ainsi que les lectures concordantes avec celui-ci, firent l’objet d’une approbation quasi-unanime, de même les lectures divergentes qui furent aussi délaissées de manière quasi-unanime.

Al-Aṣfahānī dit dans son exégèse : « La lecture d’Abū Bakr, de ‘Umar, de ‘Uṯmāne, de Zayd Ibn Ṯābit, des émigrés et des auxiliaires fut identique. C’est la lecture générale et répandue que récitait le Prophète à Jibril l’année où il décéda. Il a été aussi dit que Zayd Ibn Ṯābit assista à la lecture définitive que le Prophète fit à Jibril» (fin de son propos). Reste ceux qui récitaient selon des lectures non concordantes à la consignation de ‘Uṯmāne, ils les récitaient d’après leurs recensions. Personne ne le leur interdisait, mais ils les estimaient marginales et ces lectures ne furent pas transcrites suite à l’adoption du muṣḥaf de ‘Uṯmāne.

L’imam al-Baġwī dʾaprès Muǧāhid, Zamaḥšarī dans le Kaššāf et Qurṭubī rapportent concernant la parole de Dieu : wa ṭalḥin manḍūḍ que ‘Ali récitait wa ṭalin manḍūḍ, c’est-à-dire avec un ‘ayn à la place du a. Un lecteur récita devant ‘Alī wa ṭalḥin manḍūḍ , il dit : « qu’est ce que ṭal? », c’est plutôt ṭalin. Il récita même wa ṭalun Naḍiḍ. Ils dirent : « Ne devons-nous pas la modifier ? ». ‘Ali de répondre : « Aujourd’hui, nul trouble, nul changement n’affectent les versets du Coran », c’est-à-dire que ses lettres ne peuvent ni être changées, ni être déplacées. Il a donc interdit de toucher au muṣḥaf. Pour autant, ‘Alī ne délaissa pas la lecture qu’il rapporta. Parmi les compagnons à qui sont attribuées des lectures qui divergèrent avec la consignation de ‘Uṯmāne, il y a ‘Abdallah Ibn Mas‘ūd, Ubeyy Ibn Ka‘b, Sālim client de Abī Ḥuḏayfa, et les gens délaissèrent ces écritures au fur et à mesure du temps.

Al-Faẖr dit, dans son commentaire, concernant la parole de Dieu : « iḏ talaqqawnahu bi-alsinatikum » de la sourate « Nūr », que Sufiyān disait : « J’ai entendu ma mère réciter : « iḏ taṯqifūnahu bi-alsinatikum». Le père de sa mère récitait selon la lecture d’Ibn Mas‘ūd. Malgré cela, certaines consignations marginales furent conservées par leurs propriétaires. De celles-ci, Zamaḥšarī dans son Kaššāf en commentant la sourate « al-Fatḥ », fait mention d’un compagnon d’Ibn Mas‘ūd : al-Ḥāriṯ Ibn Suwayd, qui avait enterré une consignation pendant la gouvernance de Haǧǧāǧ Ibn Yūsuf Ṯaqafī, car comme il est dit dans le Kaššāf, cette consignation divergeait avec celle de l’Imam (‘Uṯmāne).

Zamaḥšarī (auteur du Kaššāf) a exagéré en dénigrant certaines lectures en raison de leurs divergences avec la terminologie des grammairiens. Cela est dû à sa non-reconnaissance des voies de transmission (asānid). C’est pour cette raison que les spécialistes des lectures et les juristes furent unanimes sur le fait que si une lecture correspond à un des aspects de la langue arabe, que son écriture est conforme à celle de l’écriture du muṣḥaf – c’est-à-dire celui de ‘Uṯmāne – et que la chaine de transmission du rapporteur est valide, et bien c’est une lecture valide qu’on ne peut délaisser.

Abū Bakr Ibn al-‘Arabī dit : « D’après moi, cela signifie que la transmission notoire (mutawātir) de cette lecture acquiert la transmission notoire du muṣḥaf de (‘Uṯmāne) qui lui correspond (au niveau du ductus consonantique), autre que cela est lecture marginale. Il veut dire par là que la notoriété du muṣḥaf découle du caractère notoire des termes qui y sont écrits.

Je dis : « Que ces trois conditions sont des conditions concernant l’acceptation d’une lecture si elle ne remonte pas de façon notoire au Prophète, car quoique cette lecture a une chaine de transmission valide (saḥīḥa al- sanad) jusqu’au Prophète(s) elle n’atteint pas le degré d’une transmission notoire (tawātur), ainsi donc, elle obtient le même statut qu’un hadith authentique (saḥīḥ). Par contre la lecture transmise notoirement, elle, se passe bien de ces conditions, car son caractère notoire l’établit comme argument probant pour la langue arabe, et elle n’a pas besoin de rentrer en conformité avec le muṣḥaf unanimement admis. Ne vois-tu pas qu’un groupe de lecteurs dits de lectures notoires récitèrent la parole du Très-Haut : wa ma huwa ala-l-ġaybi bi-anīn avec un « » et non un « ḍa », ce qui signifie accusé, alors que ce terme est écrit dans toutes les consignations avec un « a », (ce qui donne le terme anīn, c’est-à-dire avare). 

Bien qu’Abū ‘Alī al-Fārisī compila son ouvrage kitāb al-ḥuǧǧa à propos des lectures qui est une référence pour les exégètes et dont j’ai vu une copie dans les fonds d’Asitāna. Ces lectures, de ce point de vue, ne servent pas l’exégèse. Ce qu’il faut entendre par « conformité à l’écriture du Mushaf », c’est la conformité à l’un des principaux muṣḥaf que ‘Uṯmāne Ibn ‘Affān fit parvenir aux grands centres de l’Islam, puisqu’il peut y avoir entre ceux-ci une divergence légère et rare, tels que l’ajout d’un waw  dans : wa sāri‘ū ilā maġfiratin dans le muṣḥaf de Kūfa ou l’ajout d’un « fa » dans la parole du Très-Haut dans la sourate « šūrā » : wa mā aṣābakum min muṣībatin fa bi-mā kasabat aidīkum ou encore : wa waṣaynā-l-insāna bi-l-wālidayni ḥusnā ou iḥsānā.

C’est-là une divergence résultant de la lecture faite selon deux modes entre les maîtres du Coran, (huffāẓ) du temps des compagnons qui réceptionnèrent le Coran du Prophète, car les copistes du muṣḥaf avaient confirmé cette divergence du temps de Uṯmāne, par conséquent elle ne s’oppose pas au notoire puisqu’il n’y a pas de contradiction (entre les deux modes). Si toutefois, le (premier) rapporteur ayant transmis (la lecture) a effectivement prononcé ce qu’ont transmis les autres rapporteurs lors de deux périodes, voire plusieurs, ou alors, il fut autorisé aux transmetteurs de lire selon un des deux termes ou selon les termes (déterminés).

De plus, il est attesté que les conditions relatives aux dix variantes sont réunies pour les lecteurs, qui sont : Nāfiʾ Ibn Abī Naʾīm le médinois, ʿAbdullah Ibn Kaṯīr le Mecquois, Abu ʿAmr al Māzanī le Basrien, ʿAbdullah Ibn ʿĀmir le Damascène, ʿĀsim Ibn Abī al-nuǧūd le Kufien, Ḥamza Ibn Habīb le Kufien, al KisāʾīʿAlī Ibn Ḥamza le Kufien, Yaʾqub Ibn Isḥāq al Ḥaḍramī le Basrien , Abū Ǧaʾfar Yazīd Ibn al-Qaʾqāʾ le Médinois et H̱ulf al Bazar le Kufien et ce dixième n’a pas une recension spécifique, il a juste sélectionné une lecture qui correspond à celles des maîtres Kufiens. Par conséquent il ne s’écarte que très peu des lectures Kufiennes. Certains érudits (ʾulamāʾ) intègrent les lectures d’Ibn Muḥaiṣin d’al-Yazīdī, d’al-Ḥasan et d’al Aʾmaš en les classant sous les dix (lectures). Tandis que la grande majorité (al-ǧumhūr) a qualifié toute autre lecture (c’est-à-dire en dehors des dix), comme étant marginales car elles n’ont pas été rapportées par les maîtres du Coran (ḥuffāẓ).

Quant à Mālik ou Šāfīʿī, ils dirent qu’il n’est pas permis d’adopter une lecture autre que les dix et d’en tirer une règle juridique (hukm) au regard de sa discordance avec le muṣḥaf (de ‘Uṯmāne) où tout ce qui y écrit relève du notoire (mutawātir). Par conséquent, ce qui est en discordance avec lui n’est pas notoire et n’est pas du Coran. Aussi, des lectures attribuées au Prophète, par voies de transmission authentiques peuvent être transmises dans les livres de ṣahīh tels que ṣahīh de Buẖārī et Muslim ou autres ouvrages semblables. Cependant, il n’est pas permis à qui n’a pas entendu ces lectures directement du Prophète, de lire avec le Coran, car elles ne sont pas notoirement transmises. Ainsi, le notoire ne peut être délaissé pour des transmissions singulières (āḥād). Si celui qui la rapporte est informé d’une autre lecture, qualifié de notoire, et qu’elle s’avère comme telle à ses yeux, sachant que cette dernière contredit la lecture qu’il a transmit, il lui est obligatoire de lire celle qui fut transmise de manière notoire. Les exégètes employèrent pour cette dernière la terminologie suivante : « lecture du Prophète » (qirāʾa al-nabī) car elle n’est pas attribuée à un des imams recenseurs des lectures.

La mention de cet intitulé abonde dans les exégèses de Muhammad Ibn Ǧarīr al-Ṭabarī, dans le Kaššāf et dans al Muḥarrar al-Waǧīz dʾAbd al-Ḥaqq Ibn ʿAṭṭyya. Les a précédés en cela Abū-l-Fatḥ Ibn Ǧinnī. Par conséquent, ne pensez pas qu’en attribuant cette lecture au Prophète(s) qu’ils voulurent signifier que c’est la seule à avoir été rapportée de lui, et qu’elle prévalait par rapport aux lectures dominantes (mašhūra), car les lectures dominantes ont été rapportées du Prophète par des chaines de transmission plus solides, lesquelles sont dans leur ensemble notoires, comme nous l’évoquerons. Enfin, il ne convient pas qu’on les qualifie de lecture du Prophète (qirāʾa al-nabī), car cela ferait croire à ceux qui ont une compréhension erronée des choses que le Prophète ne récitaient pas autre que ces lectures, la cause de cela est dû aux rapporteurs qui fanfaronnent avec leurs transmissions.

Quant au deuxième cas : Il s’agit de la divergence concernant la lecture de certains mots, et plus exactement certaines lettres, telles que : maliki yawmidīne et māliki yawmi-dīne, ou nunširuhā et nunšizuhā, ou Ẓannū annahum qad kaḏḏabū avec le dédoublement du « ḏāl », ou encore qad kadzabū avec allègement du « ḏāl », il en est de même de la divergence des flexions impliquant une différence sur le sens du verbe : wa lammā ḍuriba ibn Maryam maṯalan iḏā qawmuka minhā yaṣuddūn, Nāfiʾ le lit avec une ḍamma sur le ṣād tandis que Hamza le lit avec une kasra : yaṣiddūn, le premier signifie qu’ils empêchent les gens d’embrasser la foi, le deuxième suggère qu’ils font eux-mêmes obstacle à la foi, mais les deux significations adviennent d’eux (des personnes dont il est question dans le verset).

Sous cet angle, elles ont un lien plus fort avec l’exégèse car la confirmation d’un des deux termes dans une lecture peut éclaircir la volonté de son analogue dans une autre lecture ou induire un autre sens , car la divergence de lecture des vocables du Coran engendre pour un seul verset plusieurs significations ; exemple : hatta yaṭṭahharna avec doublement des lettres « ṭā » et «  » ou avec flexion neutre (sukun) du «  » et une ḍamma  pour le «  » (yaṭhurna), ou encore « lāmastum alnissā» et «wa lamastum al-nissā », ou la lecture « wa ǧaʿalū al-malāikata al-llaḏīna hum ʿinda al-Rahmān ināṯā » avec la lecture « alladzīna hum ʿibādu Raḥmān ».

L’opinion la plus probable (al-Ẓann) est que la révélation s’est produite de deux manières ou plus, dans une volonté de multiplier les significations, si toutefois nous affirmons de façon péremptoire que l’ensemble des modalités de lecture dites dominantes soient attribuées au Prophète. Bien qu’il ne soit pas impossible que l’apparition des termes du Coran supposant ces diverses modalités soient la volonté de Dieu le Très Haut, de sorte que les Lecteurs les lisent de manière diverses, et que grâce à cela, les significations soient plurielles.

Ainsi donc, l’existence des deux modalités (révélées) ou plus encore, dans les diverses Lectures, seraient à la fois licites pour deux versets et pour bien plus. Cela est analogue au taḍmīn, (incorporation d’un vers dans un poème appartenant à un autre poète) dans l’usage arabe, à la tarwiya (syllepse oratoire, figure de style qui suppose un double sens d’un terme dont l’un apparaît plus évident que l’autre pour l’auditeur mais qui n’est pas le sens voulu par l’auteur), au tawǧīh (figure de style ou un vers ou une phrase impliquant deux sens, dont l’un influe l’auditeur mais qui n’est pas forcément le sens voulu par l’auteur) en rhétorique ou encore à l’analyse des structures(mustatbaʿāt tarākib) en sémantique, laquelle augmente le caractère pertinent de l’éloquence du Coran.

C’est ainsi que la divergence des lecteurs sur un seul terme du Coran peut donner une différence de sens ; et la transposition d’une lecture à une autre n’est ni significative ni prévalente, même si l’on peut voir selon Abī ʿAlī al-Fārisī dans son livre « al-Ḥuǧǧa» qu’il transpose la signification d’une des deux lectures à une autre, exemple : La majorité des lecteurs lisent la parole de Dieu le Très-Haut de la manière suivante  : Fa inna llāha huwa al Ġaniyu al-Ḥamīd, de la sourate al-Ḥadīd, Nāfiʿ et Ibn ʿĀmir lisent le verset ainsi :« Fa inna llāha al Ġaniyu al-Ḥamid » sans le « huwa ».Qui confirme la mention de huwa, le considère comme un pronom détaché et non comme un sujet (de la phrase nominale, mubtadaʾ), car si sa fonction grammaticale était sujet (mubtadaʾ), sa suppression n’aurait pu être permise dans la lecture de Nāfiʿ et Ibn ʿĀmir.

Tahar ibn ‘Achour

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