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Une réforme constitutionnelle embrase la Nouvelle-Calédonie

Des violences ont éclaté, en Nouvelle-Calédonie, après l’adoption d’une réforme constitutionnelle à l’Assemblée nationale. Largement critiquée par les indépendantistes, on déplore – depuis lundi – plusieurs dizaines d’interpellations et le décès de trois personnes. Explications

Les émeutes font rage à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, après le vote à l’Assemblée nationale d’une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les élections provinciales.

Cette réforme pourrait ajouter environ 25 000 personnes à la liste électorale (12 441 natifs et près de 13 400 résidents depuis au moins 10 ans, selon l’Institut de la statistique de Nouvelle-Calédonie). Les indépendantistes dénoncent une réforme « coloniale » qui risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».

Le peuple Kanak ne veut pas disparaître

Depuis 1998, selon l’accord de Nouméa, seuls les natifs et les résidents de longue date peuvent voter aux élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, afin de maintenir l’équilibre entre la population kanake et les nouveaux arrivants. Cependant, la proportion d’électeurs privés de droit de vote n’a cessé de croître au fil des ans.

La nouvelle réforme, portée par Gérald Darmanin, permettrait à environ 25 000 personnes supplémentaires d’accéder au vote. La population calédonienne craint que ces nouveaux électeurs, venus souvent temporairement de la France hexagonale, influent sur le scrutin. La sociologue Évelyne Barthou, explique :

« La population calédonienne remet en question la légitimité de permettre à une partie de la population, qui pourrait ne pas rester très longtemps en Nouvelle-Calédonie, d’avoir accès au vote […] . Il existe un sentiment général de colère et d’injustice, mais aussi une crainte de voir la population kanake disparaître ou être noyée parmi le reste »

Les élections provinciales sont cruciales car elles déterminent la répartition des sièges au Congrès, qui choisit à son tour le président du gouvernement. En 2019, les anti-indépendantistes avaient remporté 28 sièges sur 54 au Congrès. Les indépendantistes estiment que ce dégel du corps électoral risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».

Un dialogue de sourd avec le gouvernement

Le projet de réforme constitutionnelle en Nouvelle-Calédonie fait suite aux trois référendums sur l’indépendance entre 2018 et 2021, tous remportés par le camp du « non ». Le dernier référendum, marqué par une forte abstention et boycotté par les indépendantistes, a été critiqué pour son organisation en pleine crise sanitaire.

Les indépendantistes du Fondation du Front de libération nationale kanak (FLNKS) dénoncent le passage en force de cette réforme et soulignent le manque de dialogue avec la population. Isabelle Merle, directrice de recherche au CNRS, précise à ce sujet :

« Il y a un dialogue de sourd entre ceux qui ont initié cette réforme et les Calédoniens, alors que l’accord ne peut pas se faire sans eux »

A Nouméa, épicentre des affrontements, les inégalités sociales, économiques et ethniques s’ajoutent à la frustration dans cette ville où se concentrent une forte population d’origine européenne.

Une réforme adoptée par une large majorité à l’Assemblée

Le projet de loi sur la réforme électorale en Nouvelle-Calédonie a été adopté à l’Assemblée nationale par 351 voix contre 153, malgré l’opposition des députés de gauche. Le Rassemblement national, Les Républicains et les membres de la majorité présidentielle, ont largement voté pour.

Au Sénat, le texte a été modifié, supprimant la date limite du 1er juillet 2024. Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne convoquerait pas immédiatement le Congrès pour modifier la Constitution si le texte est adopté, afin de donner une chance supplémentaire aux discussions locales.

En marge d’un rassemblement à Paris, Daniel Wéa, président du Mouvement des jeunes Kanaks en France, a déclaré que « la violence actuelle en Nouvelle-Calédonie est une réponse à la violence subie depuis la colonisation jusqu’à aujourd’hui ».

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