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Vivre confiné ou mourir

Que nous dit le confinement sur notre temps, notre système politique, et le type d’humanité que nous sommes devenus ? C’est la grande question soulevée par Faouzia Zebdi-Ghorab dans sa dernière chronique publiée par Mizane.info. 

Vivre confiné ou mourir. Est-ce désormais la devise de la France ; devise qui vient se substituer au fameux « vivre libre ou mourir » de la révolution française ?

Qu’est-ce que cela dit sur ce que dicte la société en matière de volonté ?

En plus de dicter la performance, la compétitivité, le technicisme, la tyrannie du statut social ou du vêtement, elle dicte aujourd’hui l’obligation de vivre à tout prix à travers le prisme d’une utopie de l’immortalité.

Bilan, je ne fais pas ce que je veux faire, ou pire encore, je fais ce que je ne veux pas faire car il n’est plus permis de s’interroger sur ce que l’on doit ou peut vouloir dire ou faire.

Il est juste question de vouloir à tout prix.

D’ailleurs « quand on veut on peut ». Cette pensée positive revendiquée à l’international garantit nous dit-on le succès dans TOUS les domaines.

Le libéralisme réalise donc toutes les ambitions de l’homme en assurant le triomphe final de la modernité.

A tout un chacun, pour devenir moderne, de faire siens les idéaux du libéralisme et ses réalisations, aussi bien sur le plan technologique que politique ou idéologique.

Or la question de la volonté est la question même du sens de la vie, et de l’énergie que nous mettons à maintenir le cap que l’on s’est fixé.

La question de la volonté est la question même de l’espérance sans laquelle la vie n’a pas de sens.

Certains, abreuvés et imbus de ce libéralisme, s’étonnent entre autres, de la désespérance des jeunes.

Ils s’offusquent presque que l’arrivée de la 5G n’ait pas eu raison de ce défaitisme pandémique.

La fréquentation de l’école — « cette machine à vous rendre vieux[1]» — huit heures par jour, pendant au minimum 12 ans ne rend pas plus optimiste ni plus heureux.

Comment s’en étonner lorsqu’un enseigné passe 1/3 de sa vie passivement assis ; années au terme desquels pour la majorité, il n’y a pas d’espoir de travailler, de se loger, de fonder une famille, et aujourd’hui de voyager, de s’associer autour d’un projet, de circuler en toute liberté, de se retrouver entre amis…

Sans compter l’intrusion à l’école de la politique dans son sens le plus étroit et le plus apologétique, et qui poursuit désormais les enfants de 10 ans pour « apologie du terrorisme »[2].

Nous pensions que l’école était avant tout le lieu où l’on forme les esprits à la critique constructive et émancipatrice à travers un débat qui déconstruit, affine et précise les choses.

Souhaite-t-on transformer les enseignants en observateurs de l’Etat, en censeurs de la parole, et en police de la pensée par procuration ?

Lorsqu’on touche aux valeurs et spécificité d’une profession on touche à l’intégrité de toutes les professions.

La volonté comme problème collectif

Lorsqu’il s’est agi des régimes spéciaux des retraites ou de tout autre sujet sociétal, on a su jouer la division et semer la zizanie entre les différents corps de métiers : les cheminots contre les agriculteurs, les restaurateurs contre les petits commerçants, le corps médical et hospitalier contre les corps administratifs, les travailleurs qui cotisent contre ces fainéants de chômeurs, les islamo gauchistes contre les nationalistes, les jeunes contre les retraités, les français de souche contre les français de référence afro-maghrébine, les musulmans ringards ou tocards contre les musulmans progressistes laïcistes et branchés…

Tous contre tous pendant que les vrais responsables dorment paisiblement.

Cette bonne vieille technique de la division semble avoir de beaux jours devant elle.

Après la mort de dieu, et l’émergence d’un homme hautain et suffisant, on est en train d’assister à la lente exécution de l’homme, par l’instauration du non-sens historique, de la mort de l’espérance, et du néant métaphysique.

La sortie de cette crise sanitaire dépend de la volonté pugnace des uns et des autres.

C’est donc l’indiscipline supposée de la population qui est systématiquement mise en avant, et qui impose de fait, toutes les restrictions, les états d’exception, et autres privations de liberté.

Le texte coranique fait état de 3 types de volonté : la volonté divine, la volonté humaine et la volonté du diable.

La volonté du diable foncièrement primitive ne vise que deux choses : semer parmi les hommes l’inimitié et la haine, et tenter par tous les moyens de les égarer, en les détournant du sens qui montre le chemin, et trace la voie.

Toute personne, musulmane ou non, qui s’adonne à ces deux pratiques fait le jeu du diable.

La volonté de l’homme est beaucoup plus complexe car elle s’adosse à la liberté et à la responsabilité.

Je choisis en toute responsabilité ce que je veux faire et cette volonté doit se soumettre au bien faire, autrement dit à l’exigence de faire Le BIEN.

La fraternité ou le principe de faire le bien autour de soi, plus qu’un adage sur le fronton d’une mairie, est un enjeu éthique de premier plan.

Je fais le bien car je sais que je suis condamné à mort le jour même où je nais. Cette vérité détermine inéluctablement et tragiquement ma vie.

Le problème de la volonté est un problème collectif et non une préoccupation strictement individuelle.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas négliger le poids du social et du politique sur nos prises de décisions individuelles.

Mais en même temps, nous ne devons pas occulter la responsabilité que nous avons vis-à-vis de l’élaboration de cette volonté collective.

Le sens du sacré

Pour tout croyant LA VIE A UN SENS. Et la question de la volonté devient la question du sens de sa vie et de l’autodiscipline qu’il doit déployer pour maintenir le cap.

Chaque jour que Dieu fait le croyant exerce sa volonté en toute conscience.

Il s’impose le jeûne un mois durant. Il prélève de ses biens, une aumône purificatrice sans qu’aucune institution ne l’y oblige.

Il s’impose de ne jamais céder à la tentation du crédit même si tout l’y invite.

Il refuse de se damner dans un colloque ou sur un plateau télé pour gagner telle ou telle faveur.

Il s’efforce de ne céder à aucune corruption même s’il doit le payer par la privation de certains de ces droits.

Il ne craque pour un produit alors que sa conscience lui impose de le boycotter au nom de la solidarité sociale, politique ou plus simplement humaine…

C’est ce qu’on appelle le SACRE. Un sentiment que l’homme porte en lui depuis la nuit des temps.

Cela fait partie du processus d’humanisation.

Les fresques d’Ajanta datant du IVème siècle avant Jésus Christ expriment une vision du monde et du sacré, les peintures chinoises du XIIème siècle, les mosaïques byzantines, l’architecture de la mosquée de Cordoue, les miniatures persanes du XVIème siècle, la sainte chapelle, les tableaux de Michel Ange sur la création, les masques d’Ivoire du Bénin, les statuettes bouddhiques…, tout transpire et raconte l’attachement viscéral de l’homme au transcendant et au sacré ; un respect du sacré qui l’empêche de tomber dans la méchanceté, la vulgarité, l’indignité, la harkisation, ou la bestialité.

Aucun animal ne piétine sa nourriture — Certains scientifiques affirment que « l’étude des animaux pourrait nous éclairer sur la naissance de notre propre spiritualité…

Le partage équitable de la nourriture chez les chimpanzés ou le réconfort de leurs semblables en détresse ; l’entraide des éléphants pour accomplir une tâche spécifique…»[3]

Mais l’homme en est capable en déversant notamment dans les bennes à ordures, des produits ménagers afin que personne ne puisse y récupérer les denrées comestibles nécessaires à sa survie.

Nous évoluons dans un univers difficilement lisible et clairement hostile à la survie de l’homme. Aussi, participer à créer de la confusion, pratiquer la langue de bois ou le simplisme à outrance, c’est aider à nous jeter dans la gueule du loup. La démonstration criante en fut faite ces jours-ci.

Les parlementaires toutes ces dernières années et tout particulièrement ces derniers mois ont joué le jeu de la broyeuse économique et sociale, et le choix de la promulgation de mesures dérogeant aux droits fondamentaux, en votant dans la précipitation, dans l’ignorance, dans l’alarmisme, dans l’indignation, ou même dans la désinvolture et la négligence la plus totale des lois qui ont  de façon irréversible contribué à l’émiettement du tissu social, à l’appauvrissement, à la privation de libertés fondamentales, ou à la stigmatisation d’une partie de la population.

Il est donc surprenant que les parlementaires s’étonnent du retour de boomerang, notamment lorsque le gouvernement a brandi l’article 44 alinéa 3 de la constitution de 1958 sur le vote bloqué[4], et que l’on a vu ces mêmes parlementaires gesticuler, et crier au scandale.

Pour rappeler rapidement les faits, l’assemblée nationale avait voté deux amendements au projet de loi destiné à proroger l’état d’urgence sanitaire.

Le premier prévoyait la fin du confinement pour le 30 novembre, et le second la fin de l’état d’urgence sanitaire pour le 14 décembre. Précisons que le gouvernement souhaitait la fixer au 16 février 2021.

Alors que le projet avait été voté à l’unanimité, il a suffi au gouvernement de bloquer les votes pour que les décisions de nos parlementaires se transforment en vœux pieux.

Et pour finir l’Assemblée nationale a rétabli l’échéance de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire au 16 février 2021 comme l’avait souhaité le gouvernement. Tout ce bruit pour accoucher d’une souris [5] !

Kant en berne

Le principe de majorité étant prétendument déterminant en démocratie – même si ce à quoi nous assistons en ce moment au parlement nous autorise à en douter-  ne peut-on pas selon le même principe considérer que le sacré d’un tiers de la planète mérite peut-être que l’on apporte son jugement concernant le sacré avec un peu plus de circonspection.

A moins bien sûr de considérer que la planète est constituée de 84% de « connards » répartis de la façon suivante :  2 173 180 000 de Chrétiens (31% de la population mondiale), 1 598 510 000 de Musulmans (23%), 1 033 080 000 d’Hindous (15%), 487 540 000 de Bouddhistes (7%), 405 120 000 de Religieux Populaires (6%), 58 110 000 d’autre mouvements religieux (1%) : Bahaïsme, Taoïsme, Jaïnisme, Shintoïsme, Sikhisme, Tenrikyō, Wicca, Zoroastrisme…et 13 850 000 de Juifs (0,2%)[6].

Le problème aujourd’hui n’est plus me semble-t-il une question de malentendu entre ce qui est bien et ce qui est mal.

Mais bien, la question de la suppression totale de toute norme, de toute règle, de toute retenue.

A l’image de quelqu’un qui se complait dans sa diarrhée et qui ne conçoit pas qu’il soit nécessaire voire urgent de la stopper par un anti diarrhéique.

Cette logorrhée sous couvert de liberté d’expression, et donc du DROIT à s’exprimer sur tout, sans aucune limite éthique ne fait que remplacer la sacralité de milliards d’individus par la prétendue sacralité de la liberté d’expression pratiquée de façon abusive par une poignée d’individus qui n’usent pas véritablement d’une liberté fondamentale, mais du droit à déféquer sur une partie de l’humanité.

Les conséquences de ces propos ne sont donc pas jugées à l’aune de leurs conséquences mais bien à l’aune du plaisir ou de l’excitation qu’elles peuvent procurer chez celui qui les tient.

« J’ai le droit » nous dit-on, car on peut insulter les religions mais pas les adeptes d’une religion. Subtile précision !

Mais réfléchir et agir seulement en fonction du fait que notre action ou notre parole sont passibles ou non d’une amende ou d’une réprimande c’est agir comme celui que seule la crainte de la sanction démotive de tout acte immoral.

Ce qui ressemblerait étrangement à un réflexe bassement pavlovien.

« Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle ; agis de telle sorte que tu traites toujours l’humanité en toi-même et en autrui comme une fin et jamais comme un moyen ; agis comme si tu étais à la fois législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables.[7]» Non, non il ne s’agit pas des propos d’un obscur imam mais ceux du philosophe allemand Kant.

Toute action ne doit pas strictement ou exclusivement se placer sous l’égide de la loi mais aussi sous l’égide de la morale personnelle et des convictions intimes.

Faouzia Zebdi-Ghorab

Notes :

[1]Parole d’homme, Roger Garaudy, Editions Robert Laffont, page 13.

[2]Article du huffingtonpost. Samuel Paty: des enfants de CM2 arrêtés après leur défense de l’attentat,  7novembre 2020

[3]La revue Science et vie, novembre 2018. voir e rapport de 410 pages de l’IDHBB, mai 2020

[4] « Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »

[5] Je vous renvoie aux discours échaudés, aux tons graves, menaçants ou offusqués de quelques députés et sénateurs diffusés sur les chaines parlementaires.

[6] Article Wikipedia

[7] Critique de la raison pratique, Emmanuel Kant.

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