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Ziad Medoukh : « Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus quitter Gaza »

Enseignant et poète gazaoui, Ziad Medoukh témoigne, dans les colonnes de L’Humanité, des conditions de vie éprouvantes des Palestiniens à Gaza suite au cessez-le-feu. Il souligne l’éveil de la jeune génération, déterminée à rester sur place malgré les risques et évoque l’attachement des Palestiniens à l’éducation. Focus.

Le cessez-le-feu est entré en vigueur depuis un mois. La situation est toujours dramatique pour les 2 400 000 Palestiniens de Gaza qui se sentent souvent abandonnés et sont épuisés. La trêve est fragile. Elle a été quotidiennement violée par l’occupation.  

Entre le 11 janvier et le 19 février, sans compter les bombardements, 11 Palestiniens ont été assassinés, à Rafah, dans le Sud, et à Gaza-Ville. Il n’y a malheureusement pas d’observateurs internationaux ni de médiateurs sur le terrain pour surveiller le respect des accords. 

Cela provoque un sentiment d’incertitude : les gens ne savent pas comment se dérouleront les prochaines phases du cessez-le-feu ni ce qui se passera après. Ils attendent toujours l’arrivée de matériaux de construction pour réparer les maisons et les puits d’eau potable, pour rétablir les amenées d’électricité et de gaz, etc. À côté de cela, il y a un sentiment d’espoir. 

Ziad Medoukh sur les ruines de Gaza

Un espoir en demi-teinte

« Ici, c’est notre terre, nous ne partirons pas. Le retour massif de 900 000 Palestiniens qui avaient été forcés de fuir vers le sud est une réponse claire aux déclarations de Trump qui veut vider Gaza et la transformer en Riviera. »

Personne ne croit à ces mensonges, les Palestiniens sont attachés à leurs terres et préfèrent s’installer ici, dans les décombres de leur quartier dévasté plutôt que d’être à nouveau déplacés. 

Depuis le début de la trêve, la situation s’améliore doucement. La vie reprend lentement. Il y a quelques améliorations au niveau de l’alimentation, mais les prix restent très élevés même s’ils ont un peu baissé. C’est par contre la pénurie concernant les médicaments, il n’y a toujours pas d’eau potable, d’électricité ni de gaz. Le taux de chômage est de 99 %. Les caravanes et les tentes annoncées n’arrivent pas. 

Aujourd’hui je veux parler de la place que prennent les jeunes. On observe un phénomène nouveau chez eux. Auparavant, lorsqu’ils vivaient sous blocus, avec un taux de chômage de 76 %, les jeunes n’avaient aucune perspective. Ils n’avaient qu’un désir, quitter Gaza. 

La jeunesse de Gaza

Les jeunes ne veulent plus quitter Gaza

Avant cette agression horrible, les jeunes étaient un peu écartés de la société civile, gérée par des intellectuels, des professeurs d’université, des médecins ou par des membres de société. Pendant les 15 mois d’offensive, ils ont vu et admiré l’investissement des femmes. Aujourd’hui, on observe une prise de conscience de la part des jeunes.

Ils ne veulent plus dépendre de leur père, de leur famille ou de leurs proches alors ils prennent des initiatives et se mettent à travailler, même dans des activités qui ne sont pas en rapport avec leur formation et leurs qualifications.  Ils travaillent dans des associations, comme bénévoles dans des cliniques, sont vendeurs dans les commerces qui ont rouvert, balaient les rues.

Lire sur le sujet : Gaza : revivre au milieu des ruines

Ils lancent eux-mêmes de petits projets avec peu de moyens, par exemple vendre des sandwiches et des boissons dans la rue, plutôt que de rester inactifs. Ils prennent un rôle de plus en plus important dans la société civile. 

« Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus quitter Gaza. Ils veulent rester, même sous tente, sur les décombres de leurs maisons détruites. Ils étaient désespérés mais reprennent maintenant le leadership et se montrent toujours plus actifs dans la société civile. C’est leur réponse à Trump. »

La place centrale de l’éducation

Un autre élément très important à relever, c’est l’importance de l’éducation. Les Palestiniens ont compris depuis longtemps que l’éducation est un enjeu, un signe d’espoir, une forme de résistance par la non-violence. Pendant cette agression, malgré les bombardements et les risques, les cours étaient donnés dans des tentes. 

Les centres éducatifs et les écoles avaient été transformés en centre d’accueil. Aujourd’hui, 45 d’entre eux (niveau primaire, collège et lycée) se vident. Les gens qui s’y étaient réfugiés retournent habiter dans ce qui reste de leur maison ou sous des tentes pour permettre la réparation des bâtiments. En un mois, plus de 37 nouveaux centres éducatifs ont été rouverts partout dans la bande de Gaza, à côté des ruines et des décombres. On peut dire qu’aujourd’hui 85 % des élèves sont inscrits et ont repris les cours en attendant la reconstruction de leurs écoles.

En ce qui concerne les universités (13 grandes universités ont été détruites complètement et 25 autres universités, collèges et facultés ont été visés et détruits partiellement), des cours en ligne sont donnés grâce au soutien des collègues de Cisjordanie. 

C’est vrai qu’il a y toujours des problèmes d’électricité et de liaison internet, mais on peut dire que 73 % des étudiants de Gaza suivent maintenant des cours et passent leurs examens virtuellement malgré les difficultés liées au manque d’électricité et de mauvaise connexion internet. En Palestine, il y a une grande volonté de la part des familles d’envoyer les enfants à l’école et d’encourager les jeunes à aller à l’université, même si, 3-4 ans plus tard, ils vont se trouver au chômage. 

La Vie reprend lentement

« Les Palestiniens ont toujours été attachés à leurs terres mais avec la situation terrible qu’ils vivent depuis 15 mois et surtout depuis le retour des 900 000 Palestiniens du Sud de la bande de Gaza, ils le sont plus encore. »

Tout le monde a la nostalgie d’avant le 7 octobre, même si Gaza était alors sous blocus. Malgré cela, il y avait des restaurants, des commerces, on organisait des fêtes, des mariages, des anniversaires… c’était une vie difficile (une vie dans une cage) mais il y avait une vie.

Le retour des réfugiés à Gaza

Pendant les 16 mois qui ont suivi, il a fallu survivre. Aujourd’hui, plus rien ne fonctionne, mais la vie reprend lentement. Le mot « Vie », comme celui d’« Espoir », est utilisé un peu partout en Palestine : pour les noms de magasins, de pharmacies, d’associations, etc. Les Gazaouis aiment beaucoup la vie mais la vie à Gaza, pas ailleurs. 

Reconstruire Gaza

Les Palestiniens ont la volonté, la patience, la détermination, le courage. Il leur manque seulement les moyens : la réouverture des passages, l’entrée de matériel de reconstruction, de produits alimentaires, de médicaments, et d’équipement. On voit ce qu’ils ont déjà pu faire en un mois. La société civile s’organise, les femmes et les jeunes jouent un rôle actif, la vie a repris. 

Si tous les passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur sont ouverts, le blocus levé, et que chaque jour 1 000 camions peuvent pénétrer dans l’enclave palestinienne avec le matériel aujourd’hui interdit pour la reconstruction, je pense qu’en deux ans Gaza sera reconstruite, sans l’aide des dirigeants complices. 

Il y a du potentiel à Gaza : la mer, la plage, le climat, mais aussi la main-d’œuvre, des ingénieurs, des médecins, une société civile qui a de la volonté et du courage. Les Palestiniens, avec le soutien des solidaires de bonne volonté sont capables de reconstruire Gaza plus belle qu’avant. 

Ziad Medoukh

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